Comment un concept raisonnable est devenu un discours vide de sens :
Le mythe de la « réduction des risques »
Où mène la politique des « drogues propres » ?
On connaît depuis toujours les problèmes de dépendance à l’opium. Sa forme la plus connue aujourd’hui est son dérivé pharmaceutique, l’héroïne, mais il s’agit en fait d’un antidouleur dont l’abus entraîne de graves effets secondaires.
Il y a eu les guerres de l’opium, le crime organisé s’est approprié le trafic de l’héroïne et de nombreux artistes à la carrière prometteuse ont sombré dans la drogue. Comme dans d’autres cas, il faut éradiquer le problème avant qu’il ne détruise tout ou, mieux encore, empêcher dès le départ son apparition. L’un comme l’autre demande la mise en place d’une politique de prévention efficace pour assurer le futur de notre jeunesse.
L’un des principaux obstacles à une véritable prévention est le développement du concept de soi-disant « réduction des risques ».
Quand on s’occupe de groupes d’héroïnomanes, il est tout à fait normal de commencer par s’assurer que leurs habitudes de consommation ne nuisent pas à leur propre santé ou à celle des autres, entraînant souvent une issue fatale.
Tous les efforts doivent donc être entrepris pour empêcher des morts prématurées. Mais une telle politique atteint rapidement ses limites, car elle ne fait que maintenir les toxicomanes dans une situation de dépendance à d’autres drogues, distribuées cette fois sur ordonnance par des « dealers en blouse blanche ».
LA POLITIQUE DU PIRE
Sous l’influence de lobbies actifs, les autorités de plusieurs pays européens ont renoncé à désintoxiquer les héroïnomanes, et se sont orientées vers deux alternatives principales pour traiter la dépendance à l’héroïne : faire passer les toxicomanes de l’injection à l’inhalation (fumer la drogue) ou mettre gratuitement à leur disposition des seringues propres. Les deux constituent un moyen d’éviter la transmission du sida ou du HIV à d’autres utilisateurs.
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Le rapport de 1998 du Groupe d’évaluation des traitements de substitution indique clairement que celui-ci travaille en fonction d’objectifs définis selon une réduction des dommages.
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La politique de réduction des risques se fonde également sur l’utilisation d’un produit de substitution à l’héroïne, principalement du Subutex ou de la méthadone, qui permet théoriquement de faire baisser la délinquance puisque le toxicomane n’a plus besoin de voler pour se procurer illégalement sa dose. La triste réalité, mise en relief par des études, est que 80 % de ceux qui sont sous prescription de méthadone consomment aussi des drogues de la rue au moins une fois par semaine (surtout de l’héroïne), et que 44 % consomment de l’héroïne quotidiennement.
Pendant longtemps, la France a résisté aux politiques de substitution et basé sa politique sur le sevrage des toxicomanes. Ainsi, on comptait en 1994 17 000 lieux de distribution de méthadone en Grande-Bretagne, presque autant en Italie et 3 500 en Espagne, contre 77 en France.
L’exception française n’a pas résisté à la situation d’urgence créée par le sida et a connu un grand tournant en 1995. Même si la circulaire du 31/05/95 affirme encore vouloir « permettre à chaque patient d’élaborer une vie sans dépendance », de nombreux acteurs de la prévention de la toxicomanie considèrent qu’elle vise avant tout à la réduction des risques.
Le Groupe d’évaluation des traitements de substitution indique clairement dans son rapport(1) qu’il travaille en fonction d’objectifs définis selon une réduction des dommages : réduction de la mortalité, de la consommation d’héroïne et autres produits, baisse de la transmission des infections virales et amélioration de la qualité de vie. La seule consommation du médicament de substitution est considérée comme l’extrémité la plus favorable du spectre des effets que l’on peut attendre du traitement.
Pour ceux qui s’occupent de la réhabilitation des toxicomanes dans l’optique de mettre fin à la consommation de drogue en France, on est bien loin de l’objectif de faire disparaître la dépendance. L’utilisation de produits de substitution ne serait-elle pas plutôt, comme l’écrivait le Dr Olivenstein dans Le Monde diplomatique de novembre 1997, « un moyen peu coûteux de contrôler des toxicomanes placés sous camisole chimique, traités en malades chroniques » ?
Les promoteurs de la réduction des risques n’hésitent pourtant pas à qualifier la réhabilitation des toxicomanes et l’élimination de la dépendance « d’utopie d’un monde sans drogues » par opposition au soi-disant pragmatisme d’une politique de réduction des risques.
« La réduction des risques » est donc la bannière sous laquelle le ministère de la Santé poursuit son action. En 2002, les estimations officielles indiquent que sur 150 000 héroïnomanes, 70 000 sont traités au Subutex et 9 000 à la méthadone (certaines associations parlent de 30 000 personnes sous méthadone). Et bien que ces mêmes études annoncent ne pas pouvoir tirer de bilan suite au manque de recul, elles recommandent uniformément l’élargissement de cette politique de remplacement d’une drogue par une autre, les programmes de substitution à la méthadone, pour « diminuer le nombre d’héroïnomanes ».
Des études ont pourtant été menées sur des périodes significatives dans d’autres pays, disent les opposants aux programmes de substitution, et font apparaître des résultats dramatiques très éloignés des attentes des promoteurs de la méthadone.
« Il n’y a rien de mal à vouloir réduire les risques. Une mort due à l’ecstasy ou à toute autre drogue est une mort de trop », a déclaré Agnès Bron, porte-parole de l’association Non à la drogue, Oui à la vie, parrainée par l’Église de Scientologie.
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« Là où rien ne va plus, c’est quand la politique de réduction des risques est menée au détriment de la prévention, de l’information et de la véritable réhabilitation », Agnès Bron, porte-parole de l’association Non à la drogue, Oui à la vie.
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« Là où rien ne va plus, c’est quand la politique de réduction des risques est menée au détriment de la prévention, de l’information et de la véritable réhabilitation. Les brochures actuelles de prévention ressemblent à un catalogue de conseils pour se droguer proprement. »
Selon A. Bron et d’autres responsables d’associations, la réduction des risques est peut-être née d’un concept raisonnable visant à réduire la délinquance et à sauver des vies. Mais elle montre aujourd’hui ses limites, en particulier en ce qui concerne l’utilisation de produits de substitution comme la méthadone. Elle insiste avant tout sur la nécessité d’un effort concerté d’information sur la drogue en vue de la prévention dans les écoles françaises (voir article Drogue à l’école : comment protéger nos enfants ?).
La méthadone est censée limiter les ravages causés par l’héroïne, mais les études ont montré qu’en fait elle prolonge et renforce la dépendance à la drogue. Les toxicomanes à la méthadone prennent différentes drogues, y compris les anti-rétrovirus HIV, pour « ajuster » la force de leur dosage de méthadone. Certains utilisateurs, qui n’ont pas de problème de HIV, ont choisi les drogues antivirales comme moyen de rendre plus puissante leur prescription de méthadone.
Aux États-Unis, la méthadone a été en 2001 à l’origine de 10 725 overdoses (voir encadré). Il existe déjà des cliniques psychiatriques qui font la promotion d’une autre drogue, le « naltrex-one » en cas de « dépendance à l’héroïne et à la méthadone ».
L’ÉCHEC DE LA POLITIQUE « DROGUE CONTRE DROGUE »
Les tenants d’une politique palliative n’ont pas hésité à condamner la « tolérance zéro » en matière de stupéfiants ou la « guerre antidrogue ». Pourtant, la « réduction des risques » est un échec : la drogue prend au piège de plus en plus de jeunes qui commencent de plus en plus tôt, met fin à plus de vies et alimente chaque année plus de délinquance.
Le Dr Hovnanian, président du Comité national d’information sur la drogue, appelle dans la revue de l’association à « une politique à l’unisson des attentes des parents et des électeurs » et à la mise en place d’une prévention de proximité dans les établissements scolaires, dans le cadre d’un travail sérieux avec les associations agissant sur le terrain. « Une véritable prévention, menée sur 10 ans, peut faire régresser en 10 ans de 50 % le nombre des usagers de drogues chez les jeunes », explique-t-il.
Le député J.-P. Gorges, pour sa part, expose sans détours son point de vue :
« La lutte contre la toxicomanie s’inscrit dans une démarche globale. [...]
« Une politique, digne de ce nom dans ce domaine, ne pourra réussir que si une véritable prévention est mise en uvre. Celle qui, dès l’école, grâce à la mobilisation du corps enseignant, fera passer des valeurs, explicitera sans arrière-pensée la réalité de la drogue. »
Le gouvernement a récemment lancé une série de mesures destinées à mieux informer les jeunes à l’école. Il s’agit peut-être de la première étape d’une politique qui doit se poursuivre d’année en année, jusqu’à la fin de l’épidémie de drogue grâce à l’information, formant ainsi des adultes libres de drogue.
Alors que 77 % des parents(2) considèrent la drogue comme un problème majeur pour leurs enfants, il ne fait aucun doute que cette politique ferait l’objet d’un large soutien populaire.
(1) Groupe de Travail pour l’évaluation des traitements de substitution – Rapport rédigé sous l’égide de l’INSERM. Juin 1998.
(2) Source : l’Observatoire de la Fédération des parents de l’école publique. Août 2002.
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