Les mauvaises fréquentations du juge Fenech
Le juge Fenech tente de sauver la face alors que son ami, n° 2 de l’APM, est mis en examen
Le magistrat reconnaît avoir reçu à Noël 97 « un panier garni d’une valeur de 2 à 3 000 F » (environ 350 à 400 €) envoyé par Pierre Falcone. « Je ne savais pas que Falcone vendait des armes », affirme le juge Fenech.
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C’est le 11 février dernier que le premier substitut du procureur de Bobigny (Seine-Saint-Denis), Jean-Louis Voirain, a été mis en examen pour « blanchiment aggravé, recel de fonds provenant d’abus de biens sociaux et détournements d’actifs, corruption et trafic d’influence passifs » et incarcéré à la prison de la Santé. Le garde des Sceaux, Dominique Perben, a demandé au Conseil Supérieur de la Magistrature la suspension temporaire de M. Voirain et saisi l’Inspection Générale des Services Judiciaires (IGSJ) d’une enquête administrative.
Le magistrat est mis en cause dans l’affaire dite du « Sentier 2 », un vaste réseau de blanchiment d’argent entre la France et Israël. Surnommé par ses collègues « l’homme à la Mercedes », il aurait reconnu avoir touché entre 1994 et 1999, environ 27 500 € en espèces et s’être fait offrir deux montres, deux stylos de marque, un appareil photo, des repas au restaurant ainsi que deux voyages à l’étranger – pour son épouse et sa fille.
J.-L. Voirain serait soupçonné de pédophilie, accusations qui ont entraîné l’ouverture d’une enquête distincte. Nous attendons que la justice se prononce sur ces affaires.
DOSSIERS SENSIBLES
J.-L. Voirain est un ami de longue date de l’ancien juge G. Fenech. Les deux hommes ont dirigé ensemble l’Association Professionnelle des Magistrats (APM) de 1996 à 1998, J.-L. Voirain en étant le secrétaire général et G. Fenech le président.
M. Voirain avait été interrogé dans le dossier Falcone, affaire de ventes d’armes à l’Angola dans laquelle Georges Fenech est mis en examen pour recel d’abus de biens sociaux. La justice reprocherait à ce dernier d’avoir fait financer l’APM par la société de Pierre Falcone. Ce dernier aurait en effet versé en octobre 1997 un chèque de 100 000 francs (environ 15 000 €), pour les opérations de l’APM – soit 50 % du budget annuel de l’association.
Le magistrat reconnaît avoir reçu à Noël 97 « un panier garni d’une valeur de 2 à 3 000 F » (environ 350 à 400 €) envoyé par Pierre Falcone. « Je ne savais pas que Falcone vendait des armes », affirme-t-il, alors que le scandale avait éclaté dès 1996. Il n’aurait d’ailleurs pas hésité à solliciter à nouveau le marchand d’armes en 1999 pour qu’il finance son nouveau syndicat, le SIM, se heurtant cette fois à un refus.
Mais d’autres participations de Georges Fenech ont ébranlé le syndicat de magistrats dont il assurait la présidence.
Les deux hommes se trouvent à nouveau associés dans un autre dossier sensible, puisque J.-L. Voirain a participé avec Georges Fenech à la curieuse « mission d’observation » du scrutin présidentiel de 1998 au Gabon, ayant abouti à la réélection du président Bongo. Ce voyage, dont les frais avaient été entièrement pris en charge par le gouvernement en place, avait suscité un tollé dans le milieu judiciaire. S’ajoutant au scandale provoqué en 1998 par la publication de propos antisémites dans la revue de l’APM, il avait coûté à Fenech sa nomination attendue au poste de premier juge d’instruction à Paris. Celui-ci avait préféré démissionner de l’APM en demandant cinq ans de disponibilité de la magistrature.
LE PROCHAIN CHÂTEAU DE CARTES
Lorsqu’on se trouve en position délicate, quelle meilleure tactique pour redorer son blason que de se présenter en champion d’un combat monté de toutes pièces contre les soi-disant auteurs d’une menace imaginaire ?
L’une des premières actions de G. Fenech, élu député du Rhône aux dernières élections législatives après maintes difficultés, en est l’illustration. Il a donc demandé la création d’une commission d’enquête sur le secteur de la formation professionnelle au motif que les prétendues « sectes » y seraient influentes. Demande que les jusqu’au-boutistes antireligieux, tels J.-P. Brard et J.-P. Morin, n’ont pas manqué de soutenir avec empressement.