ue penseriez-vous si, en ouvrant votre journal un matin, vous trouviez la phrase ci-contre ? Probablement, il doit s’agir d’une citation de Joseph Goebbels ou d’un autre nazi du même acabit.

     Si une telle remarque devait être faite de nos jours elle serait suivie d’une vague de manifestations d’horreur et d’indignation, n’est-ce pas ?

     Cette calomnie fut effectivement publiée en Allemagne Hamburger Abendblatt le 8 août 1996. L’auteur n’en était pas Joseph Goebbels, mais Johannes Gerster du Parti Démocrate Chrétiens (CDU). La seule différence est que Gerster ne parlait pas “des juifs” mais de l’Église de Scientologie.

     Le Hamburger Abendblatt dit à ses lecteurs qu’il soutient la liberté de la presse, la liberté d’opinion, et peut-être même la liberté de religion.

     Mais la vérité est toute autre. En participant activement à une campagne de propagande de style nazi, contre l’Église de Scientologie, le Abendblatt a utilisé, mot pour mot, les mêmes titres que ceux parus en 1940 dans des articles antisémites d’un infâme journal nazi (Der Stürmer) dont le rédacteur en chef fut finalement pendu à Nuremberg pour crimes contre l’humanité.

     Mais fort heureusement, beaucoup de personnes, parmi lesquelles un grand nombre d’Allemands, ont reconnu que l’intolérance “était allée trop loin”. Ces trois dernières années, la Commission des Droits de l’Homme des Nations Unies, le Département d’État (Ministère des affaires étrangères) des USA et diverses autres organisations, telle l’Observatoire des Droits de l’Homme d’Helsinki, ont formulé leurs plus sévères condamnations à l’égard de l’Allemagne depuis la seconde guerre mondiale.

     L’un des aspects les plus alarmants de cette violence Allemande est sa source. Comme le révélait le rapport des Nations Unies de 1994, l’inquiétude la plus sérieuse n’était pas, comme on aurait pu s’y attendre, la violence de rue due aux skinheads néo-nazis mais le vaste mouvement de discrimination actuellement constaté en Allemagne. “Cette discrimination était en particulier le fait de partis politiques”, disait le rapport.

     Apparemment nullement dérangé par les critiques émanant des gouvernements étrangers et des organisations des droits de l’Homme, le mouvement des jeunes du CDU a, par ses actions récentes, laissé craindre une résurrection des jeunesses hitlériennes. Ce mouvement a en effet, incité au “boycott” d’un film populaire, du fait de l’appartenance du personnage principal et producteur, Tom Cruise, à l’Église de Scientologie.

     Cette tentative de boycott de “Mission Impossible” attira l’attention de la communauté internationale non seulement parce qu’elle fut interprétée comme une intolérance religieuse, mais aussi comme une oppression de la liberté artistique  anathème dans un pays démocratique et trop effrayant rappel des années 30 quand la manipulation de l’art joua un rôle prédominant dans la machine de propagande nazi.

     Les similitudes avec le régime nazi furent soulignées bien davantage par les remarques incendiaires des officiels du CDU. Gerster affirma qu’il était temps de “mettre les gaz” contre les Scientologues. Beaucoup d’allemands notèrent que si c’était de l’humour, ce genre d’humour ne pouvait faire rire que des nazis. Mais l’emprunte du fanatisme n’est pas nouvelle dans cette campagne Allemande. Le chancelier Helmut Kohl peut-il ignorer le sens que le reste du monde donne aux déclarations telles que celle faite récemment par son ministre du travail, Norbert Bluem, qui demandait l’exclusion des scientologues des jardins d’enfants ?

     A la suite de l’annonce du CDU, le Département d’État des États-Unis a encore exprimé sa désapprobation et le porte-parole Nicholas Burns confirma que les craintes des officiels Américains avaient déjà été exprimées aux représentants du gouvernement Allemand après de précédents incidents de discrimination dont furent victimes des scientologues. Les journaux américains, à l’image du Wall Street Journal, relatèrent l’épisode sous des titres tels que : “Les USA s’opposent à des mesures en Allemagne”.

     Mais les réactions dépassèrent très largement les frontières des États-Unis.

     Le journal hollandais Volksrant rapporta que « les politiciens hollandais avaient réagi avec aversion aux mesures prises en Allemagne contre le mouvement scientologue ». Le parti Démocrate-Chrétien, par la voie du parlementaire M. Hillen, souligna que le gouvernement allemand était allé trop loin. « Je ne suis pas satisfait du tout de ce qui se passe en Allemagne » déclara-t-il.

     Monsieur M. De Bruyne, un porte-parole du parti hollandais SGP, condamna le boycott du film de Tom Cruise ainsi que l’intention récemment annoncée par le gouvernement de Bavière de mettre en œuvre des mesures discriminatoires dans le domaine de l’emploi. « Honnêtement, cela m’effraie. Il faut des arguments très solides pour interdire à des individus l’accès à certaines professions. Il s’agit d’une mesure vraiment radicale », dit-il.