Les enfants du malheur Par Christine Hahn Reportage spécial pour Justice et Liberté
Comment la psychiatrie a utilisé les orphelins de Duplessis comme cobayes
Clarina Duguay (en haut, à droite) et son époux, Rod Vienneau, cherchent à connaître toute la vérité sur le passé d’Orpheline Duplessis de Clarina (Clarina dans le cercle, à gauche), y compris les drogues administrées à l’hôpital St-Julien.
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Pour beaucoup de gens, se reposer au bord de l’eau est une expérience de détente. Pour Clarina Duguay, cela inspire des souvenirs terrifiants de son enfance — des souvenirs si douloureux, que même plus de 50 ans plus tard, elle peut à peine trouver des mots pour les exprimer.
La douce et timide Mme Duguay, âgée de 65 ans, est l’une des infâmes Orphelins québécois de Duplessis, un groupe de plus de 5 000 enfants que les parents ont remis aux orphelinats catholiques pendant les années 40, 50 et 60, et à qui on avait promis une « bonne éducation pour leurs enfants ».
Au lieu de cela, les psychiatres les ont faussement déclarés mentalement malades ou sévèrement retardés et les ont entreposés dans des hôpitaux psychiatriques, permettant au gouvernement du Québec, dirigé par l’ancien Premier ministre Maurice Duplessis, de recevoir des primes du gouvernement fédéral pour leurs soins.
Jusqu’ici, les recherches sur les Orphelins de Duplessis se sont concentrées principalement sur les actions des représentants de l’Église Catholique qui ont admi-nistré les orphelinats et les hôpitaux psychiatriques.
Mais, le 26 septembre 2001, dans une action apparente pour bloquer toute investigation supplémentaire sur les crimes ou les inconduites du passé et sur ceux qui en étaient responsables, le gouvernement du Québec a fait une offre qui se voulait à prendre ou à laisser pour empêcher les Orphelins d’intenter des actions judiciaires contre le gouvernement du Québec ou les représentants de l’Église Catholique, en échange d’un pauvre règlement de 10 000 $ par personne. Si un Orphelin refuse de signer l’accord, il renonçe même à son droit d’obtenir cette compensation.
En conséquence, disent les Orphelins, un groupe important d’individus n’ayant jamais été tenu responsable du rôle fondamental qu’il a joué dans leur traitement abusif, peut maintenant s’en tirer indemne lui aussi : les psychiatres qui ont signé des fausses ordonnances les étiquetant « mentalement malades » et les envoyant dans un enfer atroce.
Cobayes humains ?
Le gouvernement du Québec, sous le règne de l’ancien Premier Ministre Maurice Duplessis (ci-haut), recevait des sommes d’argent provenant de fonds fédéraux pour les milliers d’orphelins ; plusieurs d’entre eux étaient faussement déclarés malades mentaux par les psychiatres tel que Joseph Pierre Lamontagne (ci-dessus) qui signa les papiers envoyant Clarina Duguay dans un asile d’aliénés.
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La nécessité de faire une enquête plus approfondie sur le cas des Orphelins est évidente, car une enquête supportée par le Fonds pour le Journalisme d’Investigation de Washington, D.C., a révélé quelque chose de bien plus sinistre de la part des psychiatres que de signer des ordonnances pour faire de ces enfants normaux et en santé, des inadaptés mentaux.
Apparemment, ils étaient utilisés dans des expériences sur les drogues, expériences semblables à celles conduites sur des enfants en Allemagne nazie.
Les dossiers médicaux ainsi que les propres souvenirs des Orphelins suggèrent que les enfants auraient été exploités en tant que cobayes humains pour une nouvelle drogue : la chlorpromazine.
La chlorpromazine, connue aujourd’hui sous ses marques de fabrique de Largactil au Canada et de Thorazine aux États-Unis, a été synthétisée en France avant la Deuxième Guerre mondiale pour servir d’anesthésique. Depuis ce temps, on lui a associé des qualificatifs tels que « matraque chimique » ou « lobotomie chimique » en raison des conséquences mentales et physiques, y compris une « complication » connue sous le nom de dyskinésie tardive, désordre du système nerveux central qui inclut des mouvements faciaux et corporels, involontaires et grotesques.
Pour ce qui est des enfants, la drogue les plongeait dans un cauchemar duquel ils pouvaient ne jamais se réveiller. Les objectifs visés par l’utilisation de cette drogue, ainsi que l’ampleur et les conséquences des expérimentations effectuées, incluant des décès, continuent à être investigués par Freedom.
Certains des Orphelins internés à l’hôpital St-Jean-de-Dieu (nommé maintenant l’Hôpital Louis-H. Lafontaine) se rappellent avoir été traités par Ewen Cameron, le psychiatre qui a fait des expériences épouvantables et inhumaines sur des sujets humains à l’Institut Allan Memorial de l’Université McGill. Ces expériences faisaient partie des programmes notoires de « contrôle mental » de la CIA américaine (Central Intelligence Agency) qui commencèrent à la fin des années 1940 et qui se poursuivirent jusqu’au début et au milieu des années 1960.
M. Bruno Roy, président du Comité des Orphelins de Duplessis, a examiné les dossiers de centaines d’Orphelins, et a dit que, en effet, le nom de Cameron apparaissait dans les dossiers des enfants.
Cameron était connu pour utiliser la chlorpromazine dans ses expériences, lesquelles combinaient drogues, chocs électriques, lobotomies et autres attaques sauvages sur des patients.
Son associé Heinz Lehmann, qui donna des cours à McGill aux étudiants préparant une licence et à ceux qui en avaient déjà une et qui devint directeur clinique au Allan Memorial en 1958, est considéré comme le psychiatre qui a découvert l’utilisation de la chlorpromazine sur les patients psychiatriques en 1953 (voir l’article précédent).
Pourtant aujourd’hui, les preuves indiquent que dès 1947 on administrait cette drogue puissante aux effets débilitants, aux Orphelins de Duplessis, qu’on faisait passer pour retardés et mentalement malades dans les hôpitaux psychiatriques.
En tant qu’enfants sans défense, ignorants de leurs droits et sans droit de parole, la vérité horrifiante au sujet de leurs épreuves a été cachée au public.
Des vies gaspillées
Deux ans après être arrivée à son orphelinat en 1946, Clarina Duguay a été transférée à l’Hôpital St-Julien, un asile d’aliénés situé à plus de 1 000 kilomètres de chez elle.
À St-Julien, Mme Duguay expérimenta des traitements épouvantables.
« Ils plongeaient nos têtes dans l’eau glacée si nous faisions quelque chose de mal, » a-t-elle dit, ajoutant que depuis ce temps l’eau la terrifie. Elle a décrit avoir été attachée à un lit avec un collier, et devoir frotter interminablement des planchers.
Les surs ont dit à Mme Duguay que sa mère était devenue folle et qu’elle était morte en tant que patiente dans un autre hôpital psychiatrique. En fait, sa mère ne mourut de la tuberculose que deux ans après cette déclaration des surs.
Deux semaines après être arrivée à St-Julien, Mme Duguay se rappelle de façon très précise qu’on lui avait fait prendre un médicament qui, selon les surs, la ferait dormir. Le médicament toutefois fit beaucoup plus que cela.
« Il m’a transformée en une zombie, dit-elle. Je n’avais pas d’énergie. Je me sentais toujours somnolente, j’avais de la difficulté à me lever. On me donnait cette drogue chaque soir. J’ai de la difficulté à me rappeler et je pense que c’est à cause de la drogue. »
Mme Duguay et les autres orphelins disent que même si la province ne leur a pas fourni les dossiers correspondant aux premières années passées à leurs institutions, la drogue qui leur a été administrée a toujours été la même. Cette drogue a été identifiée dans des dossiers plus récents comme étant de la chlorpromazine.
En 1946, François Lantagne était un garçon de 9 ans, effrayé, lorsqu’il fut envoyé à l’hôpital psychiatrique St-Michel Archange (maintenant nommé Robert Giffard). Étant un enfant naturel, sa mère n’avait pas assez d’argent pour l’élever.
M. Lantagne fut régulièrement placé dans une camisole de force et soumis aux douches glacées. Comme Mme Duguay, il a reçu la chlorpromazine chaque soir, au coucher.
Aujourd’hui, cela fait 35 ans que M.Lantagne est sur l’assistance sociale.
« Ils ont gâché ma vie, » a-t-il dit.
Joseph Martin n’avait que 5 ans 1/2 en 1938 quand ses parents l’ont placé à l’Institut Buisonnet de Montréal. Peu de temps après, il a été transféré à l’hôpital St-Jean-de-Dieu, où il est resté jusqu’en 1956. M. Martin a déclaré qu’on lui avait administré une variété « de pilules pourpres et roses » et de la chlorpromazine.
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« Les enfants qui étaient transférés des établissements religieux et des écoles vers les institutions gouvernementales étaient déplacés d’un endroit à l’autre sans que leur famille soit informée de l’endroit où ils étaient. »
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Alice Quinton a dit qu’elle a commencé à recevoir de la chlorpromazine quand elle était âgée de 13 ans, à raison de trois fois par jour, sous forme de comprimé et par voie intraveineuse.
« Je me sentais toujours somnolente, comme lorsque vous subissez une opération, a-t-elle dit. Quand je me réveillais, je ne savais pas où j’étais. J’avais des cauchemars et mon cur battait toujours rapidement. Je me sentais angoissée. »
Le prise de drogue continua derrière les murs de St-Julien jusqu’à ce que Mme Quinton ait 23 ans.
Justice recherchée
M. Rod Vienneau, époux de Clarina Duguay, a étudié le passé de son épouse et a déclaré qu’à partir du début des années 90, quand les Orphelins ont commencé à se battre pour obtenir justice, ils ont tous raconté la même histoire : à partir du moment où ils sont arrivés aux installations psychiatriques et jusqu’à ce qu’ils les quittent, ils ont reçu de la chlorpromazine.
Quand ils ont demandé leurs dossiers médicaux, les plus vieux, (ceux correspondant à la période pendant laquelle la drogue aurait été à l’essai), on ne les leur a pas remis, a dit M. Vienneau.
« De toute façon, dit-il, Chaque orphelin a raconté la même histoire. Ils ont tous déclaré que la drogue qui leur avait été donnée, avait toujours été la même. Ils n’ont aucune raison de mentir. Trois milles personnes ne peuvent pas toutes mentir. »
M. Vienneau a précisé que les Orphelins ont demandé à ce que les psychiatres impliqués, dont certains vivent toujours, soient inculpés de crime contre l’humanité.
« Nous aimerions que justice soit faite pour ces milliers de jeunes enfants innocents ainsi que pour les survivants qui, jour après jour, ont dû supporter une torture inimaginable, lorsqu’utilisés comme cobayes pour des drogues expérimentales, aux mains de psychiatres criminels et d’ordres religieux », a dit M. Vienneau.
Des centaines de morts inexpliquées
M.Vienneau a comparé les plongeons dans l’eau froide et l’utilisation de drogues, aux expériences exécutées sur des enfants dans des camps de concentration dirigés par des Nazis en Europe. « Cela a été une conspiration du silence depuis le début, dit-il. La province du Québec ne fut qu’un autre Auschwitz. »
M. Michel Lebel, ancien officier de police de Montréal qui s’est spécialisé dans l’investigation de cas concernant des enfants, a dit que les crimes contre les Orphelins ont dépassé de beaucoup le dopage et l’abus physique. M. Lebel a découvert des décès non expliqués de centaines d’Orphelins et beaucoup d’exemples de paperasserie falsifiée à leur propos.
Les Orphelins de Duplessis disent que le principal groupe — les psychiatres qui signalent les ordres véreux et les étiquetaient de « malades mentaux » — n’ont pas été tenus responsables de leurs abus.
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« Quand les enfants mouraient, a-t-il expliqué, des personnes jusqu’ici non identifiées faisant partie du système psychiatrique arrivaient simplement avec de nouvelles fausses identités. On fabriquait des dossiers pour remplacer ceux des défunts de façon à ce que le financement puisse continuer. Certains de ces gosses sont morts et revenus à la vie 10 fois, » a dit Lebel, qui est maintenant journaliste indépendant.
« Comme si cette supercherie vis-à-vis des enfants morts n’était pas suffisante, déclare-t-il, il faut ajouter à cela les longues années de mauvais traitements réservés aux survivants. » Selon Lebel, « c’était un crime organisé contre l’humanité. »
Ce que MM. Vienneau, Lebel et les autres font remarquer, ce sont les parallèles entre ce qui s’est passé au Canada et en Allemagne, où des Orphelins étaient entreposés dans des installations psychiatriques et étaient victimes d’expériences. Le parallèle auquel il est fait référence ici n’est pas celui des atrocités nazies, mais plutôt celui des crimes commis par les psychiatres allemands dans leurs établissements. Comme c’est maintenant largement connu, les théories eugénistes en vogue en Allemagne nazie ne se limitaient pas à ce pays.
Avant les Orphelins de Duplessis, cela était déjà pratique courante d’enlever les « indésirables » de la société canadienne. Dès 1928, en Alberta, près de 3 000 jeunes gens, considérés « mentalement inaptes », furent chirurgicalement modifiés à leur insu ou sans leur consentement, conformément à la Loi sur la stérilisation sexuelle. Les stérilisations cessèrent et la loi fut abolie en 1972, après que les atrocités furent exposées par la Commission des Citoyens sur les Droits de l’Homme du Canada.
Le Dr Peter Breggin, psychiatre, auteur et fondateur du Centre pour l’étude de la psychiatrie et de la psychologie à Bethesda, au Maryland, a indiqué que les échelons les plus hauts de la psychiatrie canadienne et américaine étaient en faveur « du meurtre médical ». Il cite en exemple le psychiatre influent Foster Kennedy qui, en 1941, lors de la réunion annuelle de l’Association psychiatrique américaine, a demandé l’extermination des enfants retardés, âgés de plus de cinq ans.
Le but de Kennedy, selon Breggin, était de soulager les « personnes complètement inaptes » et les « erreurs de la nature » de « l’agonie de vivre » et d’épargner à leurs parents et à l’État les frais de leur entretien.
Ces expressions trompeusement compatissantes étaient pratiquement les mêmes que celles qui étaient employées pour décrire les Orphelins, a déclaré M. Michel Lebel.
Demande pour que tous les dossiers soient disponibles
Le professeur honoraire Sally Rogow de l’Université de Colombie Britannique a écrit dans le livre LES ENFANTS NON DÉSIRÉS D’HITLER, que même si l’on a largement affirmé que le régime d’Hitler tuait des enfants ayant des incapacités réelles, en fait, des milliers d’orphelins en santé ont été assassinés ou utilisés pour expérimenter des drogues en Allemagne.
Que ce soit au Québec ou en Allemagne, ce qui est véritablement arrivé aux enfants a été dissimulé par la paperasserie bidon et par les faux rapports que les psychiatres faisaient aux parents. On déménageait les enfants sans que les familles ne soient informées.
En Allemagne, écrivit Mme Rogow, « Les enfants qui étaient transférés des établissements religieux et des écoles vers les institutions gouvernementales étaient déplacés d’un endroit à l’autre sans que leur famille soit informée de l’endroit où ils étaient. Beaucoup de parents ne pouvaient pas suivre la trace de leurs enfants. »
Le père de Mme Clarina Duguay, qui vivait à Cap d’Espoir, (Québec) ignorait même que sa fille n’était plus à l’orphelinat et qu’elle avait été transférée à l’hôpital St-Julien, établissement psychiatrique situé à 1 000 kilomètres de là. Il ne l’apprit que lorsqu’elle s’en échappa, plusieurs années plus tard.
Mme Rogow a également signalé que des enfants allemands étaient utilisés comme cobayes dans des expériences sur les drogues.
« Plus d’un exposé médical a été basé sur les expériences exécutées sur des enfants en vie et conscients. ... Des enfants recevaient des injections de drogues, de sucre et d’autres produits chimiques pour tester leurs réactions. Des subventions généreuses pour la recherche étaient données pour supporter ce genre de recherche », écrit-elle.
À partir de la fin des années 40 et jusque dans les années 60, les Orphelins de Duplessis ont reçu de la chlorpromazine et d’autres drogues.
En Allemagne, quand des enfants mouraient dans les établissements d’euthanasie, des parents accablés de douleur essayaient d’intenter des procès contre eux. En 1941, le gouvernement nazi réagit à cela en émettant un décret légal les empêchant de le faire.
Ainsi, la pauvre offre de règlement du 26 septembre du gouvernement du Québec apporte encore une autre analogie glaciale.
« Une telle offre est simplement une tentative pour couper le désir de justice des victimes et pour clore le débat de façon aussi peu coûteuse que possible et non pas pour réparer une injustice de cette envergure », de dire M. Denis Coté, de la Commission des Citoyens pour les Droits de l’Homme de Québec.
Dans ce cas-ci, il fait remarquer que le secret profite aux psychiatres qui sont ceux qui sont les plus responsables du confinement et du traitement des Orphelins. « Il doit y avoir une enquête judiciaire complète sur les circonstances entourant le traitement des Orphelins de Duplessis. Nous ne pouvons pas fermer les yeux sur le passé. Nous devons examiner cet événement tragique de l’histoire et en tirer une leçon, a-t-il déclaré. Les victimes méritent de savoir ce qui s’est produit et qui était responsable. Seulement alors pourrons-nous amener devant la justice les personnes appropriées et finalement fermer ce chapitre de notre histoire. Faire moins que cela serait une injustice. »
Aide offerte dissimulant abus et impostures
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La Commission des Citoyens pour les Droits de l’Homme a publié une serie de brochures qui documentent solidement la brutalité, la criminalité, l’escroquerie ainsi que les abus de la psychiatrie dans plusieurs zones différentes de la société.
La première brochure intitulée « La trahison de la psychiatrie – La création du racisme » a déclenché une avalanche internationale de controverses par rapport à la psychiatrie.
La plus récente publication « Détruire des vies – Psychiatrie, les enfants trahis et drogués » montre comment la supercherie des maladies de l’éducation est poursuivie dans le but d’enrichir ceux qui tirent profit des drogues psychiatriques au détriment des écoliers de notre nation.
Avec plus de quatre millions d’enfants de l’Amérique du Nord, frauduleusement étiquetés comme possédant un « trouble » mental psychiatrique, les psychiatres sont en train de créer une génération de toxicomanes.
Pour obtenir des copies de ces brochures, contactez : La Commission des Citoyens pour les Droits de l’Homme, 4321 Papineau, bur 202, Montréal (Québec) H2H 1T3
Téléphone: 514-527-0874
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