|
OUR LE fondateur de la religion de Scientologie, Ron Hubbard, le combat pour la liberté de religion est un combat nécessitant une « vigilance permanente, une volonté constante de riposter » car rien, dans ce domaine, nest jamais définitivement acquis, comme lHistoire nous la souvent montré.
La liberté de religion doit servir à protéger des groupes qui ne sont pas encore acceptés par lensemble de la société, sinon elle perd tout son sens. Dans notre société moderne, les religions acceptables sont devenues des religions molles qui nexigent plus grand chose de leurs fidèles. Ce qui pose alors problème cest le religieux intense, exigeant, celui quon trouve dans de petits groupes prônant un retour aux Écritures ou formés autour de lenseignement dun maître spirituel. Ces groupes là sont très vite attaqués comme sectes. À la marge de lÉglise catholique, ou même en son sein, les groupes charismatiques ont aussi été taxés de sectes. Pour les sociologues des religions, les Églises sont des institutions qui, à force de passer des compromis avec leur environnement, sont devenues parfaitement acceptables. Ce faisant, la pratique religieuse a cessé dy être intense. On est membre dune Église par tradition familiale. Par opposition, pour les sociologues des religions, les sectes sont des « assemblées volontaires de croyants », qui exigent une pratique religieuse beaucoup plus forte. Le mot secte nest alors absolument pas péjoratif. Il sert à distinguer un type dorganisation religieuse.
Cest à force damalgames, de généralisations abusives, de présentations erronées de faits dramatiques que le mot est devenu péjoratif dans lesprit du public. Il sert aujourdhui à dénigrer certains groupes religieux.
La liberté de religion nest pas réservée à un type particulier dorganisation religieuse, le type Église des sociologues. Elle est indivisible.
Au cours de lHistoire, de grands intellectuels ont prôné et défendu cette liberté lorsquelle était sournoisement attaquée par quelques obscurantistes. On se souvient du mot de Voltaire au début de lune de ses lettres philosophiques (ouvrage qui fut brûlé en France peu de temps après sa publication) : « tout anglais est un homme libre qui va au ciel par le chemin qui lui plaît : cest ici le pays des sectes ».
Depuis la publication du rapport Vivien en 1985, la liberté de religion a subi en France de multiples assauts. Aujourdhui, le danger na jamais été aussi grand que cette liberté soit vidée de tout contenu. Heureusement de nombreuses personnalités dénoncent ce danger. Voici des exemples de prises de position en faveur de la liberté de religion :
- Le secrétaire général de lAssociation Internationale pour la Défense de la Liberté Religieuse, à la suite de la publication du rapport Vivien : « Nous craignons aujourdhui que la liberté religieuse soit menacée par les conclusions de certaines campagnes et de certains rapports » (lettre du 23 mars 1985)
- Les juristes Olivier-Louis Séguy, président de lassociation détude des problèmes juridiques contemporains et Jean-Marc Florand : « A lissue de cette étude, il faut sinterroger sur lopportunité dune législation de quelque nature quelle puisse être, sur les sectes. A une époque où il nest question, dans tous les domaines, que dun élargissement de lespace des libertés individuelles, nest-il pas anachronique de songer à porter atteinte même indirectement ou légèrement à la plus fondamentale dentre-elles, la liberté de pensée ? » (Les Petites Affiches, 5 juin 1985).
- Le pasteur Jacques Maury, alors président de la Fédération Protestante de France : « Dailleurs où passe la limite entre secte et église ? La commémoration daujourdhui nous rappelle assez que nos Églises protestantes aussi ont été pendant des siècles traitées, et de quelle manière, comme des sectes. Voilà pourquoi dans ce récent débat nous avons rappelé à deux reprises que la liberté religieuse est indivisible. (discours de commémoration de la Révocation de lÉdit de Nantes, 11 octobre 1985).
- Léditorialiste Louis Pauwels : « Le soulèvement de lopinion contre les sectes a pour conséquence désirée de disqualifier toute attitude religieuse. Cela est évident et dailleurs avoué. Il ny a que les naïfs et une part de lépiscopat pour sy laisser piéger. Un scandale de secte viendra à point. Il vient, je le sens. Ceux qui craignent, avec tant de bonté, quon lave le cerveau dun quidam savent laver le cerveau dune nation » (Le Figaro Magazine, 30 avril 1985). « Cette guerre contre les sectes réveille lesprit dinquisition et sapparente dans bien des cas au procès en sorcellerie où la rumeur tenait lieu de preuve. Il suffit désormais daccuser un groupe marginal de captation de personnalité et de manipulation mentale pour quil se trouve rangé au nombre des sectes et, par là même, mobilise contre lui lopinion générale. Cette nouvelle chasse aux sorcières bénéficie des subsides de lÉtat et, sauf exception, du soutien sans réflexion des médias. » (Le Figaro, 24 octobre 1996).
- Le sociologue des religions Emile Poulat : « Secte est un mot piège, un mot socialement piégé. Tout groupe, un jour ou lautre est susceptible dy être pris. Au regard dintraitables adversaires laïcistes, anticléricaux, athées militants - lÉglise (catholique) reste une secte qui a su réussir »
- Le professeur de droit Jacques Robert, membre du Conseil Constitutionnel : « Pour prendre un exemple, le protestantisme fut, à ses origines, une secte oh combien persécutée ! Lui dénie-t-on pour autant aujourdhui le statut de religion ? Finalement, la religion ne serait-elle pas seulement comme on la naguère avancé, une secte qui a réussi ? » (Le Monde, 15 mai 1992)
- Le pasteur Louis Schweitzer, alors secrétaire général de la Fédération Protestante de France : « Certains mots ne sont plus guère porteurs de sens, mais sont simplement devenus des injures, des armes utilisées pour éliminer lennemi ou le concurrent. Le mot secte est de ceuxlà. Traiter aujourdhui un groupe de secte, cest avant tout le disqualifier, quelles que soient les hypocrites précautions de langage dont on entoure lexpression » (Le Progrès de Lyon, 12 janvier 1995)
- Le professeur Jean Baubérot, spécialiste de la laïcité : « Opposer sectes à Églises, Nouveaux mouvements religieux à anciens, cest en revenir, de façon subtile, à la distinction du XIXe siècle entre cultes reconnus et cultes non reconnus. Cest créer, disons-le nettement, une législation comportant des aspects discriminatoires ».
- Le sociologue des religions Régis Dericquebourg : « La diversité religieuse exige que lon sorte de nos cadres de pensée habituels. Il ne sagit pas de demander une tolérance condescendante qui consiste à saccommoder socialement de quelques bizarreries en se disant que des gens se trouvent dans lerreur mais quil faut bien les accepter. La tolérance religieuse ne remplace pas la liberté religieuse. Celle-ci suppose une reconnaissance et une juridiction contre les discriminations religieuses de la même façon quil existe une législation contre les racismes. » (Pour en finir avec les sectes, juin 1996).
- La sociologue des religions Liliane Voyé, à propos du rapport parlementaire de 1996 : « Lautre faiblesse du rapport consiste en ce quil semble inspiré par un strict rationalisme, qui ne comprend pas ou qui naccepte pas quaujourdhui encore certaines personnes soient en quête de spiritualité et, pour cela, soient prêtes à sengager dans des voies qui sécartent de celles communément admises dans nos sociétés. » (Pour en finir avec les sectes, juin 1996).
- La sociologue des religions Eileen Barker, britannique, fondatrice du groupement INFORM (Réseau dinformation sur les mouvements religieux) qui bénéficie du soutien du gouvernement britannique et des grandes Églises : « La plus importante généralisation que lon puisse faire sur les nouveaux mouvements religieux est quil ne faut pas faire de généralisation les concernant. » (Pour en finir avec les sectes, juin 1996).
- Le professeur de sciences religieuses Antoine Faivre : « Premièrement, la définition du mot secte nest pas adaptée à la réalité du fait social ou religieux. Sil nexiste actuellement aucun consensus permettant de définir précisément ce mot, je déplore, en revanche, lexistence dun consensus sur une connotation péjorative. En 1996, un rapport de la Commission parlementaire a dénombré 172 sectes sur des caractéristiques de dangerosité et, surtout, sur des informations transmises par les services des Renseignements généraux. Deuxièmement, le débat est trop facilement orienté dans le sens dune chasse aux sorcières dont les positions extrémistes satisfont les médias par leur simplicité. Enfin, je constate que les spécialistes, sociologues, historiens des religions, etc. ne sont pas, et nont pas été, consultés par les personnalités officiellement chargées denquêter sur les sectes. Le risque de dérapage me paraît donc résider dans le fait de légiférer ou dintervenir à partir de cette notion abstraite que constitue le mot secte. Toute tendance qui consisterait à favoriser linstauration dun droit de persécution doit être accueillie avec méfiance. À supposer quune loi soit créée, la définition qui sera retenue ouvrirait la voie à des applications extensives susceptibles de mettre en cause le principe même de la laïcité. Cela entraînerait des dérives et des amalgames. » (Impact Quotidien, 3 avril 1997)
- Lécrivain Thierry Pfister : « Nous pourchassons des groupes qui furent naguère la cible des hitlériens, tels les Témoins de Jéhovah. Quelques parlementaires de toutes origines, au prix de grossiers amalgames, dressent la liste des coupables dans des conditions qui vaudraient au moindre folliculaire les foudres de la dix-septième chambre. Chacun pouvant ensuite brandir ce document, la chasse aux sorcières sorganise, révélant chez les traqueurs des comportements au moins aussi sectaires que parmi le gibier. La gauche monte en première ligne derrière les socialistes Alain Vivien et Jacques Guyard et surtout lancien communiste Jean-Pierre Brard pour exiger de lÉtat un engagement contre des groupes qui ne sont même pas juridiquement définis. Une fois encore, sans recul ni retenue, les groupes anti-sectes, quils soient laïques ou religieux, transposent dans lhexagone un discours psychiatrique forgé aux États-Unis dans les années 70. Limitant leur action au lobbying parlementaire, au forcing médiatique et à la guérilla judiciaire, ces nouveaux croisés ambitionnent dimposer un contrôle social sur des problèmes qui relèvent de la vie personnelle et familiale. Plus question, dans ce cas, de respect de la vie privée. Le chœur des bienpensants sélève pour réclamer plus de sanctions, sans égard ni pour les règles de base de la démocratie ni pour la liberté de conscience. » (Lettre ouverte aux gardiens du mensonge, Albin Michel, 1998).
|
|