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sous prétexte que des prêtres soient condamnés
OUR une société devenue matérialiste, toute doctrine qui prône lexistence dun au-delà ou lexistence de principes de nature spirituelle peut constituer un grave trouble à lordre public. Ainsi, les anticléricaux de la fin du dix-neuvième siècle accusaient les catholiques descroquerie lorsquils enseignaient le catéchisme et dobéissance à une puissance étrangère (le Vatican) lorsquils suivaient les préceptes de leur Église.
Plus près de nous, dans un pays démocratique membre de lUnion Européenne, lÉglise catholique a été considérée récemment comme une secte dangereuse complotant contre la sécurité de lÉtat. Cest ainsi quen Grèce, pays dont la Constitution doit protéger la seule religion officielle, lÉglise orthodoxe, un rapport émanant des services secrets, attaquait violemment lÉglise catholique, accusée de tentative de subversion.
Il nest pas non plus inutile de rappeler la récente position de Jean-Paul II sur la démocratisation de lÉglise catholique. Le 20 novembre 1998, le pape déclarait devant les évêques dAutriche que cétait une erreur de réclamer une démocratisation de lÉglise. « La démocratie étant la forme de régime la plus acceptée par la sensibilité daujourdhui, la demande dune démocratisation de lÉglise sest répandue chez un certain nombre de fidèles » constatait à cette occasion Jean-Paul II. Pour lui, il sagit de « conceptions erronées » qui ne correspondent « ni aux données bibliques, ni à la Tradition de lÉglise de lépoque des apôtres ». « La vérité nest pas issue dune Église de base. Il sagit dun don qui vient den haut, qui vient du Ciel » (Le Monde, 23 novembre 1998). Ainsi, si labsence de démocratie fondait le caractère sectaire, lÉglise catholique serait assurément une religion sectaire.
Si le critère des condamnations était appliqué pour distinguer les organisations sectaires, lÉglise catholique courrait le risque dêtre dissoute, un certain nombre de prêtres catholiques ayant été condamnés en France, comme lillustrent ces exemples :
- Un prêtre a été condamné le 10 décembre 1999 par la cour dassises de la Nièvre à 18 ans de réclusion criminelle pour « viols, tentatives de viols et atteintes sexuelles sur mineurs de 15 ans et sur personne particulièrement vulnérable par personne ayant autorité ». Le prêtre, âgé de 56 ans, a commis ces agressions pendant une quinzaine dannées sur quatre garçons dont un handicapé.
- En décembre 1998, la cour dappel de Lyon a condamné un ancien vicaire de la paroisse de Gex (Ain), âgé de trente-six ans, à dix-huit mois de prison avec sursis et obligation de suivre une cure psychologique. Le prêtre avait exigé de jeunes garçons quils dorment nus avec lui. Reconnus par le vicaire, les faits avaient été révélés par lune des victimes à sa famille.
- En novembre 1998 un prêtre est jugé pendant 3 jours par la cour dassises de Saint Brieuc pour viol, tentative de viol et agression sexuelle aggravée, sur six mineurs âgés de 12 à 15 ans. Caresses, attouchements sexuels, sodomies, fellations, la lecture de larrêt de renvoi est accablant. Le 12 juin 1995 ce prêtre avait été condamné à deux ans de prison pour atteinte sexuelle par le tribunal correctionnel de Guingamp. La peine sera aggravée en appel à cinq ans, dont un avec sursis.
- Le 13 août 1998 un prêtre de la paroisse dOderen, près de Thann (Haut-Rhin) a été écroué à la maison darrêt de Mulhouse. Agé de trente cinq ans, le prêtre aurait reconnu sêtre livré à plusieurs reprises, entre 1992 et 1998, à des attouchements sur des enfants et avoir commis des viols sur cinq mineurs, âgés de onze à quatorze ans. La plupart des victimes seraient des servants de messe.
Dans les pays anglo-saxons, la situation est encore pire. Dans une lettre à lépiscopat des États-Unis, le 22 juin 1999, Jean Paul II sest déclaré « profondément préoccupé » et a exprimé sa douleur aux personnes « gravement lésées par le comportement déviant de certains religieux ». Selon des estimations récentes, deux mille à quatre mille prêtres se seraient rendus coupables aux États-Unis depuis vingt ans, de violences sexuelles sur mineurs ( Le Monde, 24 juillet 1999).
Statistiquement, il ny a pas plus de condamnations en justice dans les groupes étiquetés comme sectes que dans les religions acceptées. Il y en a même plutôt moins. Le critère du nombre de condamnations en justice pour menacer un groupe de dissolution est donc totalement arbitraire. Il ne sert quà donner une apparence de rationalité à un projet de loi autoritaire visant à exclure de la vie publique des groupes qui ne plaisent pas à quelques élus.
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