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La liberté dassociation loi de 1901 est une conquête essentielle de la démocratie et lhonneur des institutions républicaines que létranger nous envie.
La proposition de loi About, qui permettrait de dissoudre arbitrairement des associations, portera un coup fatal à cette liberté fondamentale.
ESPACE DE LIBERTÉ créé en 1901 a fait lobjet dattaques répétées au cours des trente dernières années, toujours sous le même prétexte : protéger lordre public prétendument menacé par des groupes choisis comme boucs émissaires.
Rejet du Conseil constitutionnel
En 1971, le ministre de lIntérieur, Raymond Marcellin, tenta de soumettre la liberté dassociation au contrôle préalable des préfets, des parquets et des tribunaux. La loi de 1901 devait être changée pour protéger la République contre les menaces que faisaient peser sur elle déventuelles reconstitutions de groupements dissous. Un tribunal pouvait être saisi pour décider si une association qui déclare son existence était ou non « fondée sur une cause ou en vue dun objet illicite contraire aux lois, aux bonnes mœurs ou qui aurait pour but de porter atteinte à lintégrité du territoire national et à la forme républicaine du gouvernement. ».
Malgré un tollé général, le projet fut voté en première lecture par lAssemblée Nationale et, après son rejet par le Sénat, adopté par les députés en deuxième lecture. Le Conseil constitutionnel, saisi alors par Alain Poher, Président du Sénat, décida en juillet 1971 que la disposition essentielle et tant contestée de la loi nétait pas conforme à la Constitution : la grande loi démocratique de 1901 était sauvée.
Deuxième tentative avortée
En 1979, une nouvelle menace plane sur la loi de 1901. Le Ministère de la justice, ignorant délibérément la décision du Conseil constitutionnel de 1971, tente de réintroduire le refus de délivrance du récépissé dexistence, en présentant comme une avancée sociale le fait quil serait dorénavant motivé.
En parallèle, on laisse entrevoir que la loi sur les associations serait insuffisante pour protéger la République de communautés dont lexistence pourrait lui nuire, ce qui était également largument premier de Raymond Marcellin en 1971, argument qui na pas empêché la République de prospérer sans danger au cours des trente années suivantes.
Comme la précédente, face aux nombreuses protestations, la tentative échoua.
Une législation dexception
Depuis 1999 se développe la dernière attaque en date, toujours sous le couvert du péril que ferait courir à la République lexistence de certains groupes, commodes boucs émissaires.
Le Sénat vient en effet de voter une loi dexception qui remet en cause la loi de 1901 et quun petit groupe de pression sefforce à la hussarde de faire adopter par lAssemblée nationale avant la fin du mois de mai.
La proposition About-Picard prône la dissolution de groupes dits sectaires dès linstant où un dirigeant ou un responsable de fait serait condamné pénalement plus dune fois. Elle veut également punir de peines de prison et damendes toute tentative de reconstitution dun mouvement religieux ou spirituel ainsi dissous.
En dautres termes, lÉtat aurait le pouvoir de condamner à la dissolution (qui est pour une association léquivalent de la peine capitale pour un individu) tout groupe qualifié de sectaire, concept sans définition juridique, sur la base de délits isolés ayant donné lieu à la condamnation dun ou plusieurs de ses membres.
La loi vise explicitement les 172 groupes religieux, philosophiques et spirituels figurant sur la liste noire de la commission parlementaire de 1996.
Mais les critères retenus sont si flous et laissent une telle place à larbitraire quelle peut virtuellement sappliquer à toute association qui aurait le malheur de déplaire aux autorités.
Comme en 1971, comme en 1979, lavenir démontrera que les prétendus dangers dont on veut protéger le peuple français ne servent en loccurrence quà permettre dintroduire, avec toutes les précautions oratoires dusage, les grands coups darchet sur le respect des consciences et les protestations de bonne foi démocratique dont on ne manquera pas de labreuver, une législation dexception.
Remettre en cause la liberté dassociation
Or lesprit associatif nest pas un vain concept. Pour des millions de Français, il est un lien qui les relie entre eux : association de secours fraternel, de sportifs amateurs, association de consommateurs, de locataires, de soutien à des causes diverses...
Voilà que deux condamnations pénales de dirigeants dune association, même pour des délits mineurs, en permettraient la dissolution, au détriment de ses membres et même si ceux-ci se dévouent pour une cause très valable.
Le texte prévoit aussi quune association juridiquement distincte, mais aux buts similaires, dont les dirigeants auraient été condamnés au moins une fois (par exemple pour excès de vitesse ou pour loubli dun extincteur réglementaire dans les locaux de lassociation) pourrait être attirée dans la procédure de dissolution.
La loi ne prévoit pas de garde-fou. Le rapporteur N. About « fait confiance aux magistrats » pour éviter les dérives auxquelles son texte pourrait donner lieu. Mais nous connaissons trop dexemples de pays où toute opposition, toute défense dintérêts locaux ou dintérêts dusagers, de consommateurs ou même toute promotion dune culture régionale, seraient taxées de potentiellement nuisible à lÉtat ou dangereux pour la personne humaine.
Lexercice illégal de la médecine et de la pharmacie dont il est question dans la loi About est déjà largement réprimé par notre code pénal. Larsenal judiciaire français serait-il donc si pauvre quil lui faille remettre en cause la liberté dassociation ? À qui fera-t-on croire cela ?
On ne protège pas les citoyens en restreignant les libertés fondamentales.
Faut-il dissoudre les partis politiques ?
Ce texte aux mains dun État un peu trop autoritaire permettrait de dissoudre nimporte quelle association, y compris politique. Il faut toujours un bouc émissaire pour justifier des lois dexception.
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De nombreux partis politiques français pourraient être immédiatement dissous sils entraient dans le champ dapplication arbitraire et sans limites de cette loi, mais la proposition de loi About contient une clause qui exclut explicitement « les partis politiques qui défendent des convictions politiques ».
Cette subtilité se révèle des plus utiles car au cours des dernières années plus de 200 affaires impliquant des personnalités politiques ont été jugées devant des tribunaux français, donnant lieu à plus de 150 condamnations, parmi lesquelles des condamnations multiples au sein dun même parti.
Pourquoi les peines prévues par la loi dexception ne sappliqueraient-elles pas à tout homme politique « qui exerce des pressions graves et répétées pour altérer le jugement » de ses électeurs, de façon à obtenir leur vote ? Si lon se réfère à la loi, il sagit là dun « abus de faiblesse » caractérisé.
On imagine quel usage un gouvernement décidé à éliminer des opposants politiques pourrait faire dun tel texte.
« Quon les tue tous... »(1)
Alors pourquoi un tel aveuglement et cet acharnement ? Un climat dhystérie a été créé par une poignée de politiciens servant des intérêts personnels et les associations anti-sectes financées par des fonds publics.
Les religions minoritaires font partie du paysage socio-culturel français et doivent donner lieu à un débat de société. Le débat aujourdhui échappe à toute rationalité : il a glissé dans lémotionnel, comme le montrent les échanges lors du récent vote au Sénat, faisant feu de tout bois pour mieux violer la conscience des élus.
On narrête pas une idée par un simple texte de loi. Si la France décide dêtre le troisième pays (après la Russie et la Chine !) à se doter dune législation qui permette aux pouvoirs publics de dissoudre les associations « religieusement incorrectes », cela ne suffira pas à faire disparaître les idées quelles défendent. Pour faire disparaître toutes les croyances qui sécartent de la pensée unique et les pensées non conventionnelles, il nexiste quun seul moyen : tuer les centaines de milliers de Français qui aujourdhui font partie dun groupe religieux, spirituel ou philosophique. Les tuer tous.
M. B.
1. Le roi Charles IX, cédant à Catherine de Médicis et déclenchant le massacre de la Saint Barthélémy qui eut lieu dans la nuit du 24 août 1572, sécria : « Vous le voulez ? Eh bien, quon les tue ; mais quon les tue tous. »
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