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a France a récemment obtenu que toute référence à lhéritage religieux de lEurope soit supprimée dans la Charte européenne, attitude que Mgr Claude Daegens, évêque dAngoulême, dénonçait dans La Croix du 8 décembre 2000 comme « une conception étroite, restrictive et mesquine de la laïcité. » Cette fois-ci, on passe de la nonreconnaissance des religions à leur exclusion. », ajoutait-il.
Cest dans ce climat que sinscrit la proposition de loi About-Picard, dernier avatar de plusieurs tentatives récentes pour faire adopter une législation dexception qui accorderait au gouvernement le pouvoir de dissoudre des groupes religieux jugés indésirables.
En décembre 1999, le sénateur About déposait une proposition de loi qui allait être rapidement modifiée, car il était évident que ses articles pouvaient facilement sappliquer aux partis politiques, aux groupes antireligieux qui soutenaient cette proposition et même aux grandes religions.
En juin 2000, la députée Catherine Picard faisait adopter par les 18 députés présents une autre proposition de loi permettant au gouvernement de prendre des mesures répressives à légard des minorités religieuses. Ce texte introduisait par ailleurs le délit de manipulation mentale dont le caractère vague et dénué de tout fondement scientifique déclencha un tollé de protestations. Les responsables des grandes familles religieuses, tout comme les associations de Droits de lhomme et les juristes, firent connaître leur opposition à ce projet.
Par ailleurs, la loi Picard sattaquait directement à la liberté dassociation, en permettant de dissoudre des personnes morales dans le cadre dune procédure civile expéditive, dès lors que la personne morale ou lun de ses dirigeants de droit ou de fait avait fait lobjet de deux condamnations pénales définitives.
La dernière proposition About-Picard qui viendra prochainement en discussion devant le Sénat est encore plus liberticide. La notion trop visible de manipulation mentale a été escamotée et intégrée à larticle du code pénal décrivant labus de faiblesse sans rien perdre de son arbitraire. De plus, le texte aggrave les conditions de la dissolution des personnes morales en considérant « comme une même personne morale les personnes morales juridiquement distinctes [...] mais qui, par leur dénomination ou leur statut, poursuivent le même objectif et sont unies dans une communauté dintérêt ».
Cette disposition, selon le professeur de droit public, François Chevallier, ouvre la porte à toutes les dérives : « En effet, compte tenu des affaires qui ont récemment été portées à la connaissance du public (affaire des scouts marins, affaires de pédophilie, etc.), cet ajout permettrait au juge de prononcer la dissolution de toutes ces associations dobédience catholique et permettrait, très certainement, den faire de même sagissant des autres religions. Il suffirait, pour cela, que nimporte quel intéressé saisisse un Tribunal et que celui-ci estime que les Églises concernées ont, sinon pour but, du moins pour effet, de maintenir un état de sujétion psychologique. »
Le juriste François Terré, membre de lInstitut, avait, quant à lui, réagi à la création du délit de manipulation mentale de la proposition de loi Picard en ces termes (Le Figaro, 5/7/2000) : « Nest-il pas évident quil sagit là dun concept flou ne se prêtant aucunement aux exigences de la légalité des délits et des peines ? Qui nen fait pas ? Ce comportement nest-il pas naturel dans le journalisme, la télévision, la religion, la politique, la philosophie, la publicité commerciale, etc. ? ». Le professeur Terré estime que la nouvelle définition est exactement pareille à lancienne et tout aussi dangereuse (Libération, 25/1/2001).
Dans une analyse détaillée de la loi Picard, dont nous publions ci-dessous des extraits, le professeur Chevallier a mis en évidence de graves failles au plan constitutionnel.
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