Les hommes politiques seraient-ils au-dessus des lois quils veulent appliquer aux hommes déglise ?
evant la multiplication des affaires éclaboussant des politiciens de tous bords, des voix sélèvent pour demander une loi qui permette de dissoudre les partis politiques dont les dirigeants ont fait lobjet dau moins deux condamnations pénales.
Il suffirait de sinspirer de la proposition de loi du sénateur Nicolas About et de la députée Catherine Picard qui contient des dispositions similaires à lencontre des associations religieuses et spirituelles, et qui viendra dans les prochains jours en discussion devant le Sénat.
LOI DEXCEPTION
Véritable loi dexception, la proposition About-Picard prône la dissolution de groupes dits sectaires dès linstant où un dirigeant ou un responsable de fait serait condamné pénalement plus dune fois. Elle veut également punir de peines de prison et damendes toute tentative de reconstitution dun mouvement religieux ou spirituel ainsi dissous.
La loi vise 173 groupes religieux, spirituels et philosophiques, dont les noms ont été mis sur liste noire par le rapport dune Commission parlementaire en 1996. Cette liste comprend des branches ou des ordres dobédience catholique, orientale et chrétienne, parmi lesquels se trouve la religion du Président américain sortant, Bill Clinton.
POUVOIR DISSOUDRE LES PARTIS POLITIQUES
De nombreux partis politiques français pourraient être immédiatement dissous sils entraient dans le champ dapplication arbitraire et sans limites de cette loi, mais la proposition About-Picard contient une clause excluant explicitement « les partis politiques qui défendent des convictions politiques ». Cette subtilité se révèle des plus utiles, car au cours de ces dernières années, plus de 200 affaires impliquant des hommes (ou des femmes) politiques ont été jugées devant les tribunaux français, aboutissant à ce jour à plus de 150 condamnations, parmi lesquelles des condamnations multiples au sein dun même parti.
Les hommes politiques sont au service de lÉtat et leurs actions concernent des millions de citoyens. Leurs électeurs sont donc en droit dattendre deux une conduite reflétant un très haut niveau déthique. On ne voit pas très bien pourquoi les partis politiques ne devraient pas remplir eux-mêmes les critères quils veulent aujourdhui appliquer aux Églises.
FAIRE DIVERSION
De nombreux observateurs sont de plus en plus convaincus que lorigine de la proposition About-Picard est à chercher du côté du nombre affolant daffaires. Les minorités religieuses, dont les activités ne concernent quun faible pourcentage de la population, permettent de faire diversion et de détourner à moindres frais lattention des délits commis par certains politiciens.
La disposition de la proposition de loi visant à créer un délit de manipulation mentale, terme flou dont lobjectif à peine voilé est dempêcher le prosélytisme et de mettre fin à la liberté dexpression, a également été dénoncée avec virulence par les représentants des grandes familles religieuses et des Droits de lhomme. Face à ce tollé de protestations, les auteurs de la proposition ont cependant maintenu ce concept dans le nouveau texte, se contentant de le rebaptiser état de sujétion.
« Nous demandons par ailleurs que les peines prévues par la loi répressive About-Picard sappliquent à tout homme politique qui exerce des pressions graves et répétées pour altérer le jugement de ses électeurs de façon à obtenir leurs votes. Si lon se réfère à la proposition de loi, il sagit là dun abus de faiblesse caractérisé. Seule une loi assurerait la protection du grand public. » a déclaré Michel Raoust, président du Comité Français des Scientologues contre la Discrimination (CFSD).
Des associations de défense des Droits de lhomme de divers pays démocratiques, telles que la Fédération Internationale dHelsinki ou le Département dÉtat américain, ont dénoncé cette proposition de loi. Le Conseil de lEurope a passé une résolution en novembre 2000 et vient de nommer un rapporteur, Cevdet Akçali, chargé denquêter sur la législation et ses ramifications.
ENTENDUS MAIS PAS ÉCOUTÉS
Les représentants des grandes familles religieuses ont exprimé à plusieurs reprises leurs préoccupations profondes concernant cette législation. Jean-Arnold de Clermont, président de la Fédération protestante de France, a dénoncé avec force le caractère dangereux de la proposition de loi, et Monseigneur Jean Vernette, représentant de la conférence des évêques de France, a averti quelle violait la Convention Européenne sur les Droits de lHomme.
Leurs inquiétudes paraissent aujourdhui toujours aussi légitimes, car sils ont été entendus, ils nont pas été écoutés des auteurs de la proposition de loi. Le concept de manipulation mentale na nullement disparu du texte, comme ceux-ci ont tenté de le faire croire ; il a simplement fait lobjet dun habile camouflage (voir article Manipulation mentale au Sénat ?).
Ces représentants ont suggéré diverses alternatives, dont la création dun Observatoire indépendant des religions, qui fournirait des informations factuelles sur les minorités religieuses et se consacrerait à louverture du dialogue avec les grandes confessions. Un Observatoire indépendant de ce type correspondrait aux recommandations du Conseil de lEurope.
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