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Le Conseil de lEurope enquête sur le projet de loi
e texte, qui vise ostensiblement les 172 minorités spirituelles et philosophiques figurant sur la liste noire établie par la Commission parlementaire de 1996, donnerait aux autorités les moyens de persécuter nimporte quelle croyance jugée religieusement incorrecte.
Punir les idées hérétiques
Le projet de loi introduisait par ailleurs le délit de manipulation mentale qui, contrairement à ce que proclame haut et fort le sénateur About, na nullement disparu du texte. Cette disposition avait provoqué les protestations indignées des représentants des grandes familles religieusescar qui va décider des différences entre discours religieux et persuasion ? Devant ce tollé, ce délit a été hypocritement retiré du texte pour être réintroduit, dans des termes voisins et sous un autre nom, sous forme dun amendement au code pénal.
En utilisant ce concept flou, la loi ouvre un moyen rapide de contourner la législation existante et dinterdire (par voie de dissolution) une religion minoritaire toute entière, si deux dirigeants de droit ou de fait ont été condamnés, même pour des délits mineurs.
La protestation la plus récente contre la loi est venue dune organisation caritative du Vatican, qui salarme dun texte qui permettrait au gouvernement de punir des idées.
Dans une interview dune page accordée au quotidien italien La Stampa, Attilio Tamburini (porte-parole de Aid to the Church in Need ACN Aide à lÉglise en détresse), filiale de lAlliance catholique qui dispose de branches nationales dans 16 pays, déclare que la France, à travers ses actions anti-sectes, introduit une inquisition laïque, et que la loi permettrait au gouvernement de punir des idées.
Les dignitaires catholiques ont fait connaître leurs commentaires lors de la publication du rapport annuel de lACN sur la liberté religieuse au mois de mai. Le rapport condamne « les persécutions contre les chrétiens à travers le monde », en particulier dans les pays islamiques, mais aussi en Chine, à Cuba, en Inde et en France.
Lattention de lAssemblée Parlementaire du Conseil de lEurope a été attirée sur le climat de persécution actuel, qui rappelle de plus en plus les pratiques des régimes totalitaires, par une pétition déposée par quarante groupes spirituels français. En novembre dernier, lAssemblée adopta une résolution recommandant louverture dune enquête, et le dossier fut transmis au Comité des affaires juridiques. Le Comité a nommé un rapporteur, lun des vice-présidents du Conseil de lEurope, pour étudier lintolérance fondée sur la religion en France, et en particulier la loi de dissolution.
La fin de la neutralité de lÉtat ?
Le 22 juin dernier a été voté en première lecture à lAssemblée nationale, avec moins de vingt députés présents dans lhémicycle, un projet de loi renforçant larsenal législatif contre les groupements à caractère sectaire.
Ce projet rassemblait la proposition de la députée Catherine Picard et celle du sénateur Nicolas About, tout en ajoutant quelques dispositifs proposés par les députés Jean-Pierre Brard, Éric Doligé et Jean Tibéri.
On rappellera que la première mouture du texte de loi, proposée par le sénateur About, consistait en la possibilité de dissoudre par décret en conseil des ministres (dissolution administrative) les associations ou groupements de fait qui « poursuivent des activités ayant pour but ou pour effet de créer ou dexploiter la dépendance psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités » lorsque deux condamnations avaient été prononcées soit contre leurs dirigeants de fait ou de droit, soit contre la personne morale. Cette dissolution pouvait frapper les associations déclarées ou les groupes de fait nayant aucune structure juridique.
Cétait la première fois quun texte de loi tentait de définir juridiquement une secte alors que la loi de séparation des Églises et de lÉtat et la Constitution française garantissaient jusqualors la neutralité religieuse de lÉtat qui sinterdisait de faire la distinction entre les bons cultes (les religions) et les mauvais cultes (les sectes). La définition, rédigée en termes vagues, autorisera tous les abus. Que signifie en effet lexploitation de la dépendance psychologique ou physique dun adulte en pleine possession de ses moyens et consentant ?
Tollé contre la « manipulation mentale »
En juin 2000, les députés ont remplacé le régime de la dissolution administrative par celui dune dissolution judiciaire, prononcée par un tribunal civil. Cette dissolution ne pouvait frapper que les personnes morales, quelle quen soit la forme juridique. À linitiative de la députée Catherine Picard, la proposition About a été durcie et un délit de manipulation mentale a été créé.
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Avec ce projet de loi, tel quil est rédigé aujourdhui, les principes de la liberté dassociation et de la liberté de culte disparaissent complètement.
Sans parler du danger bien réel dappliquer cette loi aux grandes religions ou, par extension, à tout groupe de pensée.
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Ce délit a suscité une vive contestation de personnalités religieuses, dassociations de défense des droits de lhomme ou de juristes (voir encadré : Vers une législation dexception). La Commission Nationale Consultative des Droits de lHomme, dont lavis avait été sollicité par la Garde des Sceaux, a conclu le 21 septembre : « La création dun délit spécifique de manipulation mentale ne nous paraît pas opportune ».
1. J. Tavernier interrogée par Sophie Davant, France 2, 23/01/01.
Continu...
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