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l sest passé à Paris un événement extraordinaire. Je pourrais en parler pendant des heures, et du reste une grande partie de ce numéro dÉthique et Liberté lui est consacré, mais jen retiens, pour lessentiel, trois degrés danalyse.
Tout dabord le degré zéro de lanalyse, celui de lactualité télévisée: rien. De même sur les ondes françaises, longues ou courtes : rien. A peine deux entrefilets, si ma vigilance na pas failli, dans la presse écrite. Autrement dit, il ne se serait rien passé en France le 23 octobre dernier, ni à Paris ni à Vincennes.
Mais que faisaient donc tous ces cars de policiers, que faisaient ces sept ou huit mille personnes venues dune quarantaine de pays pour se concentrer dabord à la Bastille, avant dêtre refoulés à la lisière du Bois de Vincennes, avec comme seul slogan « Liberté, liberté » ?
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Deuxième niveau danalyse : si vous lisez la presse internationale, vous apprendrez que des représentants pour certains au sens officiel du terme, pour dautres par engagement personnel dune bonne trentaine de religions sétaient donné rendez-vous à la Bastille ce matin-là. Des chrétiens de plusieurs confessions, des bouddhistes, des hindouistes, des musulmans et des membres de religions récentes. Combien exactement sont venus, dEurope ou des autres continents ?
Difficile à savoir, même aujourdhui : la veille, jai bien dit la veille, la Préfecture de Paris a interdit cette manifestation pour « la liberté de conscience en France » (au fait, on interdit souvent des manifestations en France ???). Beaucoup ne le savaient pas, et ceux qui le savaient voulaient quand même, au moins, croiser les autres. Résultat, une joyeuse confusion place de la Bastille, avant que les forces de police ne fassent le ménage, forces de police fermes, mais du reste tout aussi pacifiques en loccurence que les ex-futurs manifestants eux-mêmes.
Il y eut quand même des moments épiques, et je ne peux résister au plaisir den relater quelques-uns. Une actrice de cinéma souvent vue sur nos grands écrans et sur le petit, a dans son micro cité en anglais une phrase dAlbert Camus sur la liberté. Un chanteur noir américain qui a plusieurs millions de disques à son actif a expliqué dans son micro que sil vivait en France, il serait tracassé pour sa religion, et que cela le choquait beaucoup parce quil avait un a priori dadmiration pour la culture de notre pays. Un couple de septuagénaires sémillants, qui ont marché aux côtés de Martin Luther King, se sont précipités sur les policiers français pour les photographier et les filmer en gros plan pour la postérité, tellement ils étaient révoltés par linterdiction de cette manifestation pacifique.
Mais il sest aussi passé autre chose, une sorte dévénement à lintérieur de lévénement, et ce sera mon troisième degré danalyse.
Des témoignages damitié, des paroles encourageantes, ont été prodigués aux scientologues présents. Les points de vue exprimés, venus de tous les horizons religieux, allaient tous dans le même sens : « Vous, au moins, vous vous organisez pour résister ; considérez la hargne à votre égard comme un compliment du vice à la vertu ; si vous êtes tellement ciblés, si lon raconte tellement de mensonges grotesques sur vous, cest précisément parce que vous vous battez pied à pied pour la liberté ». Cest dans ce climat que la manifestation interdite a été remplacée, à Vincennes, par des débats sur la liberté de religion dans la société actuelle, débats de haute tenue et passionnants, où se sont rencontrées aussi bien des personnalités religieuses parfois très importantes que des personnes plus anonymes.
Clairement, le vent a tourné. Le matraquage médiatique a évidemment marqué lopinion française, mais la stratégie de division (les bonnes religions et les autres) a échoué. Entre dun côté les oppresseurs de la liberté de croyance et par voie de conséquence de la liberté individuelle tout court, et de lautre les défenseurs de la dignité, ce nest plus quune question de temps.
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Voilà ce qui sest passé le 23 octobre dernier à Paris, sous les yeux dune opinion internationale attentive... et qui a dailleurs relevé que le lendemain même, on parlait aux actualités télévisées françaises dune autre manifestation, contre je ne sais plus quoi, de quelques dizaines de personnes...
En essayant de transformer un événement important, de toute façon peu discret, en non-événement total, les faiseurs dactualité se sont pris à leur propre piège. Leur délit de propagande ne peut plus être camouflé, il est désormais flagrant. Ce genre de maquillage de la réalité ne dure jamais très longtemps.
Chaleur, sympathie, respect, les scientologues et autour deux tous ceux à qui il faut du courage pour penser autrement, sont en train de rétablir la vérité simple des choses : la dignité est dans le camp des hommes libres.
Danièle Gounord
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