Enfer à Besançon
La cour dappel de Besançon a sanctionné lannée dernière trois
infirmiers psychiatriques poursuivis pour violences sur des patients
de lhôpital psychiatrique voisin de Novillars.
Laissés à eux-mêmes dans un pavillon, des infirmiers ont fait
subir à leurs patients un véritable enfer, digne de Vol au dessus
dun nid de coucous. Au cours de laudience ont été évoqués coups,
humiliations telles que faire mettre les patients à genou pour
mendier leur repas et même de forts soupçons de viols.
Ces personnes particulièrement vulnérables, confiées à leurs « soins », nont pas alors trouvé auprès du corps médical la protection
qui leur était due. Selon certains membres du personnel, le médecin
psychiatre, chef de service, aurait été informé à plusieurs reprises
de ces faits. Pourquoi na-t-il pas tenté darrêter ces horreurs ?
« Des infirmiers, qui avaient versé de léther sur le sexe dun
patient puis mis le feu, nont reçu quune sanction administrative
assez légère. Les violences étaient connues, mais rien nétait
fait. » |
La Commission des Citoyens pour les droits de lhomme (CCDH) un
groupe créé par lÉglise de Scientologie en 1969 et qui compte
aujourdhui 128 représentations dans 29 pays, a suivi cette affaire
et sest constituée partie civile. Au cours de laudience, elle
a pu dénoncer lirresponsabilité de psychiatres à qui est confiée
la garde des patients et qui sen désintéressent au point de les
laisser maltraiter.
Cette affaire nest pas unique en France. À lhôpital de la Celette
en Corrèze, deux infirmiers ont été condamnés pour les mêmes motifs.
Récemment, deux infirmiers de lhôpital psychiatrique de Ravenel
dans les Vosges ont été arrêtés pour violences sur des patients,
violences ayant conduit au décès de lun deux. Nicole, infirmière
à la retraite de cet hôpital, témoigne : « Des infirmiers, qui avaient versé de léther sur le sexe dun
patient puis mis le feu, nont reçu quune sanction administrative
assez légère. Les violences étaient connues, mais rien nétait
fait. »
La loi du silence règne toujours dans lunivers psychiatrique
et beaucoup daffaires ne vont jamais devant la justice car les
victimes sont trop intimidées et effrayées.
Internements abusifs
À Paris, des psychiatres sont employés par linfirmerie de la
préfecture de police pour décider si les personnes conduites devant
eux par la police doivent faire lobjet dun internement psychiatrique.
Cest sans doute là un point noir en ce qui concerne les Droits
de lHomme en France. Le résultat est plus quinquiétant. Il y
a à Paris plus dinternements que dans un pays comme lAngleterre,
soit plus à Paris que dans un pays de 60 millions dhabitants !
Comment expliquer ce chiffre sinon par une habitude établie en
France de traiter en psychiatrie de problèmes qui relèveraient dans
dautres pays soit de la justice, soit des services sociaux ou
simplement de la vie privée de chaque individu.
Si au pays des droits de lhomme, les internements parisiens restent
le symbole dune certaine répression psychiatrique, il existe
en fait un problème structurel qui fait que la France se singularise
par rapport aux autres pays européens par un poids excessif de
linstitution psychiatrique.
La loi française qui régit les internements reste fortement inspirée
dune loi datant de 1838, confiant à ladministration la décision
dinterner ou non. Pourtant, théoriquement, daprès notre Constitution,
toute mesure privative de liberté devrait être prise par la justice.
Une recommandation de lAssemblée parlementaire du Conseil de
lEurope préconise dailleurs de « confier la mesure dinternement à un juge ».
Cette loi, sans doute inspirée des « lettres de cachet » monarchiques, explique à elle seule le nombre excessif dinternements
dans notre pays. À partir de cette loi, une sorte de tradition
de linternement sest développée en dépit de la nécessaire protection
dont doivent bénéficier les citoyens.
Des statistiques récentes du Ministère des Affaires sociales sur
le nombre dinternements par département font apparaître une pathologie psychiatrique spécifique par région.
En fait, le seul facteur qui explique cette disparité des « maladies mentales » est la politique administrative choisie.
Linternement reste donc un arbitraire administratif susceptible
de toucher nimporte quel citoyen.
Des cas dinternements psychiatriques abusifs existent bien en
France aujourdhui. À peu près 200 personnes sont internées irrégulièrement
chaque année en France, daprès les décisions de justice ordonnant
leur sortie. Ce chiffre représente les seules personnes qui ont
pu contacter la justice pour se plaindre de leur internement et
qui ont été « libérées ».
Souvent, les internés, abrutis de drogues annihilant la volonté
et coupés de lextérieur ne peuvent faire aboutir une demande
de sortie judiciaire. Un livre récent de Marie-Christine Dwelles,
intitulé Le Séquestré de Montfavet, paru aux éditions du Rocher, dénonce linternement abusif dun homme dans lhôpital psychiatrique
de Montfavet près dAvignon, là même où mourut Camille Claudel.
Cet homme a passé plus de quinze ans de sa vie dans des conditions
indignes dun être humain, de cellule en cellule et de punitions
en punitions pour des « troubles mentaux » qui nont même pas été prouvés. Il est sorti cette année avec
laide dun avocat et dun véritable comité de soutien.
La France a été condamnée par le Comité des ministres du Conseil
de lEurope en octobre 1997 pour un cas similaire où une personne
avait subi un internement psychiatrique arbitraire après quelques
mois de détention, sans même être sorti de prison.
Récemment encore, un livre de Norbert Jacquet intitulé Airbus dénonçait linternement psychiatrique subi par un pilote de lAirbus
accidenté il y a quelques années en Alsace. Selon cet auteur,
en linternant pour des raisons de santé mentale, son témoignage
gênant, qui mettait en cause la sécurité de lavion, se trouvait
ainsi discrédité.
Face à cette question cruciale de linternement, la Commission
des citoyens pour les droits de lhomme se bat pour faire modifier
la loi. Elle propose notamment que ce soit la justice (et non
ladministration) qui puisse prendre la décision dinterner, après
un débat contradictoire avec la personne concernée. Cest une
proposition de bon sens partagée par de nombreux individus et
groupes de droits de lhomme.
Le record de consommation de psychotropes
Le problème des internements psychiatriques, choquant en eux-mêmes,
est amplifié par le fait que les traitements psychiatriques peuvent
être particulièrement destructifs pour lindividu.
Il est maintenant de notoriété publique que la France est le premier
consommateur au monde de produits psychotropes. 12 % de la population
prennent régulièrement, sous une forme ou une autre, des drogues
psychiatriques, soit trois à quatre fois plus que nos partenaires
européens.
Cela signifie-t-il que les Français ont une tendance plus marquée
aux « troubles mentaux » que leurs voisins ? Évidemment non. De même que les disparités
des internements forcés sont liées à des politiques administratives,
la dangereuse surconsommation de drogues psychiatriques est créée
artificiellement.
Le rapport du Dr Zarifian de 1996 dénonçait la collusion entre de grands laboratoires
pharmaceutiques et des psychiatres influents qui font la promotion
de ces produits auprès des médecins généralistes et du grand public,
habituellement contre espèces sonnantes et trébuchantes.
Des milliards pour la « recherche »
Depuis des années, les psychiatres annoncent quils sont « au bord dune grande découverte » dans leur compréhension du mental ; ou ils annoncent la dernière « drogue miracle » qui apportera le bonheur à tous. Et chaque année, sur la base
de ces promesses, des milliards viennent sajouter aux milliards
déjà dépensés en recherche pour envoyer de nouveaux rats dans
des labyrinthes et tester plus de pilules chimiques sur de nouveaux
cobayes et de nouveaux singes. Pour quel résultat ? Les statistiques
de la « santé mentale » continuent à empirer selon les psychiatres eux-mêmes.
Les hommes politiques doivent se réveiller devant ce scandale
national et mener une véritable enquête sur les résultats réels
de lindustrie psychiatrique et ses violations des droits de lhomme.
La France ne peut tolérer ce coût en vies humaines, ni se permettre
les milliards de francs gaspillés dans des traitements qui savèrent en fait nocifs.