Un pays liberticide
Malgré ses effets désastreux sur l’opinion internationale, le terrorisme intellectuel ne s’avoue pas vaincu.
« Avec le rapport parlementaire Gest-Guyard de 1995 et sa liste sans valeur juridique de 172 sectes, la loi About-Picard et l’action de la MILS, la France est perçue à l’étranger comme un pays liberticide », écrit L’Express du 24 octobre 2002, citant une source autorisée du Quai d’Orsay.
La résolution de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe adoptée le 18 novembre dernier et demandant à la France de réexaminer la loi About-Picard n’a fait que confirmer cette impression.
Ces préoccupations liées à l’image internationale de la France ne semblent pas affecter les six parlementaires jusqu’au-boutistes qui sont intervenus auprès du Premier Ministre pour réclamer le maintien de la MILS.
De qui s’agit-il ? La liste est sans surprise : Nicolas About, co-auteur de la loi About-Picard, Alain Gest, président de la commission parlementaire Gest-Guyard et Jean-Pierre Brard, vice-président de ladite commission, étaient tous trois membres du Conseil d’orientation de la MILS. Ils y figuraient aux côtés de deux membres de la MILS, Martine David et Eric Doligé, et de Georges Fenech, qui multiplient depuis des années les interventions résolument hostiles aux nouveaux mouvements religieux. Alors qu’il était juge d’instruction dans les années 1990, G. Fenech n’hésita pas à ordonner des perquisitions de police musclées dans les églises d’un mouvement religieux et chez de simples paroissiens, et à fournir à la police et aux RG des informations nominatives.
Ces jusqu’au-boutistes ont leurs « blancs » : ainsi, leur demande ne mentionne nullement le gaspillage de l’argent des contribuables par les extravagants globe-trotters de la MILS de 1999 à 2001 (voir Éthique et Liberté n°32). Aucune allusion au fait que la commission Gest-Guyard se soit entièrement appuyée sur des « informations » rassemblées à la hâte par les RG pour rédiger son rapport et sa liste noire qui allaient aboutir au désastre de la MILS. Pas un mot pour reconnaître vis-à-vis de l’État ou des contribuables leur responsabilité dans les agressives campagnes de propagande et d’intolérance qui, instaurant un véritable terrorisme intellectuel, ont bouleversé la vie, les familles et la carrière professionnelle de milliers de Français.
D’autres événements sont venus entacher un peu plus cette image.
Par exemple, la participation de Georges Fenech à une « mission indépendante » de surveillance des élections au Gabon du 2 au 7 décembre 1998, voyage entièrement payé par le gouvernement en place, avait été fortement critiquée. S’ajoutant au scandale provoqué par la publication de propos antisémites dans la revue du syndicat de magistrats qu’il dirigeait, cette mission lui avait coûté sa nomination attendue au poste de premier juge d’instruction à Paris. Georges Fenech avait alors préféré se faire oublier en démissionnant de l’APM, et en demandant cinq ans de disponibilité au sein de la magistrature.
Après maintes difficultés, il finit par obtenir de représenter la droite aux dernières élections législatives, dans la 11ème circonscription du Rhône. Le « juge de la désunion », comme certains l’appelèrent à l’époque, remporta de peu son élection. L’une de ses premières actions en tant que député ? Demander la création d’une commission d’enquête sur le secteur de la formation professionnelle au motif que les « sectes » y seraient influentes – demande soutenue par le colonel Jean-Pierre Morin (voir article).
Quant au maire de Montreuil, J.P. Brard, l’opinion publique n’a pas oublié qu’il a fait voter en 1998 un amendement permettant à l’administration fiscale d’utiliser le numéro de sécurité sociale des Français pour avoir accès à divers fichiers administratifs. Un amendement dénoncé par la Ligue des Droits de l’Homme comme une « porte ouverte au viol de la vie privée ». Une astuce de procédure lui avait permis de se soustraire à l’obligation de soumettre à la Commission Nationale de l’Informatique et des Liberté les textes risquant de porter atteinte aux libertés individuelles.
Avec la MILS, le rêve de certains politiciens avides de mettre le pouvoir de l’État au service de leur propre croisade était devenu réalité. L’Histoire nous a déjà montré où mène cette voie. Heureusement, on peut éviter que l’Histoire se répète.
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