Éducation : La Fin de La Laïcité ?
Lécole de la République est lun des fleurons de notre pays, pilier de laction culturelle française et de la francophonie. Proposée comme modèle à tant de systèmes éducatifs, cest sur notre école que nous fondons nos espoirs pour léducation et la formation de nos enfants. Cette institution doit leur permettre de devenir des adultes responsables, selon lidéal humaniste dune véritable démocratie fondée sur lHomme libre.
Mais une mouvance idéologique a-t-elle perverti le principe de laïcité de lÉtat au profit dun endoctrinement des jeunes par le système déducation nationale ?
LA LAÏCITÉ DÉTOURNÉE
Si nous nous référons à lEncyclopédie Hachette, le mot laïcité vient du grec laïkos qui signifie « peuple » par opposition à clericos, qui désigne « celui qui détient un pouvoir religieux ». La notion de laïcité désigne avant tout un régime juridique et politique de séparation entre lÉtat et les religions et de neutralité religieuse de lÉtat.
En réalité, le terme « laïcité » a été détourné par un lobby matérialiste pour signifier absence de toute pensée religieuse ou spiritualiste. Ce lobby conduit un très vigoureux prosélytisme antireligieux. Serait-il ainsi plus sectaire que ceux quil prétend dénoncer ?
Une institutrice sindigne : « Dans mon école de village, on voulait nous faire changer des paroles de chansons parce quon y parlait de Joseph et Marie. »
Plus question de respecter une neutralité que lon serait en droit despérer bienveillante et tolérante. Jules et Edmond de Goncourt ne disaient-ils pas dans leur journal : « Il faut avoir une âme de prêtre pour écrire contre la religion. » (22 juin 1864) ?
Il a fallu une des plus grandes manifestations que la France ait connue pour soutenir lécole privée où sont scolarisés plus de 15 % des enfants, menacée du fait de linfluence acquise par ces extrémistes de la laïcité, dont les actes prouvent leur conviction dêtre les seuls à avoir une conception légitime de la liberté. Or, ces écoles privées font preuve dune large ouverture vers des populations délèves dont les familles, de convictions diverses, recherchent un cadre rigoureux intégrant mieux les valeurs morales.
Il existe de nombreux courants et groupements, aux sites internet résolument militants, qui proclament par exemple vouloir « un monde dépouillé de la pensée religieuse ». Très actifs dans tous les combats menés pour une école laïque dogmatique et intolérante, ils ont été, par exemple, à la pointe du combat dans « laffaire du foulard islamique », et finiraient par nous faire croire que cest là un des points cruciaux du système éducatif actuel.
Tous ces groupements, mouvements et « écoles de pensée » sont particulièrement actifs dans la lutte contre les nouvelles minorités religieuses et, comme certains observateurs lont bien compris au sein de la Fédération Protestante et de lÉglise Catholique, contre les grandes religions.
Cette mouvance sest montrée particulièrement active dans lÉducation nationale, étendant son influence dans les écoles et les lycées.
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La loi de 1998 porte en germe lidée de pénaliser les parents et les enseignements qui ne se conformeraient pas à une certaine conception de léducation.
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LÉCOLE DE LA PENSÉE UNIQUE
En décembre 1998 un texte était adopté : la loi About instituant un contrôle sévère des écoles hors contrat. « Cétait habile », commente un directeur détablissement, « car ne semblant concerner quun faible nombre détablissements en France. En fait, elle porte en germe lidée de pénaliser les parents et les enseignements qui ne se conformeraient pas à une certaine conception de léducation dun enfant, fortement teintée dune vison étroite de la laïcité et de la citoyenneté. Par lignorance quelle entretient et lintolérance quelle véhicule, elle est susceptible daboutir à des conflits de communauté dont on constate curieusement un certain développement. »
Au point que certains responsables de lécole privée catholique se sont demandés sil ne convenait pas dy apporter quelques modifications pour les mettre à labri dun risque dextension de ces mesures.
Les écoles Steiner sont les premières poussées dans larène ; leurs méthodes éducatives sont dénoncées comme « sectaires », ce qui permet de déclencher une opération à leur encontre qui na déquivalent que la mise en place dun gigantesque coup de filet policier sur un dangereux mouvement terroriste.
Un « Monsieur secte » est nommé : Daniel Groscolas, membre de la Mission Interministérielle de Lutte contre les Sectes (MILS), pour redoubler de vigilance dans le domaine de léducation.
Les dernières instructions officielles prévoient la mutation doffice denseignants en labsence de tout prosélytisme de leur part ; il suffit dappartenir « à un mouvement réputé sectaire à lencontre duquel aucun grief de trouble de lordre public ne peut être objectivement établi ».
Quand Daniel Groscolas démissionnera de la MILS après en avoir dénoncé les dysfonctionnements, il laissera la voie libre à Alain Vivien, qui peut alors, au nom de la Mission, agir directement dans le domaine de léducation.
Apparaissent des textes signés dAlain Vivien lui-même dans plusieurs manuels scolaires, ainsi que des passages ou des chapitres diffamant des minorités religieuses ou spirituelles, avec des dérapages suggérant une mise en cause des grandes religions. Certains de ces textes, extrêmement discriminatoires, devront par la suite être retirés des ouvrages par les éditeurs.
Dans un manuel édité par Hachette, un dessin satirique montrait un ministre du culte en train de frapper un enfant avec une bible. Lors dune réunion organisée à lÉglise Réformée des Batignolles à Paris en février 2002, le président de la Fédération Protestante de France sétait dit profondément choqué par cette caricature de la religion ainsi présentée aux jeunes.
DES ENSEIGNANTS FORMÉS À LA DISCRIMINATION ?
Des formations spécifiques sont dispensées aux futurs professeurs dans les IUFM. Des conférences sont régulièrement promues et tenues dans lenceinte scolaire : écoles primaires, collèges et universités, non pas par des universitaires aux compétences reconnues sur le sujet, mais par des intervenants militants, membres dassociations aux positions extrêmes bien connues à lencontre de groupes porteurs dopinions philosophiques ou religieuses nouvelles.
Le Salon de lÉducation devient un lieu et un moment privilégié pour la propagande antireligieuse dune partie de ses exposants (plusieurs stands sur le sujet, diffusion de brochures, tenue de conférences et symposiums fort orientés et militants).
Des documents publiés par lÉducation nationale relaient des informations diffamatoires. Nombre darticles discréditant les nouveaux mouvements religieux sont aussi publiés dans les revues de parents délèves et denseignants, articles caractérisés par le manque de faits précis et par une généralisation abusive en labsence de toute enquête sérieuse, participant dune campagne médiatique qui entretient un climat dexclusion à lintérieur même de linstitution scolaire.
Cest ainsi que lon distille « la pensée correcte » à nos enfants, incitant à stigmatiser des minorités, conduisant à créer clivages et exclusion, à faire naître des tensions familiales, là où la mission de lécole devrait être connaissance, compréhension, tolérance, respect, là où lon devrait former des futurs adultes capables de penser par eux-mêmes.
UNE VÉRITABLE LAÏCITÉ
Sans doute, pour certains lecteurs, cela nest-il pas nouveau. La récente controverse entre le Ministère de lÉducation nationale et les professeurs de philosophie révèle combien peuvent être sensibles certaines « orientations » idéologiques. Verra-t-on un jour Blaise Pascal ou Kierkegaard passer à la trappe au profit de philosophes « laïquement » corrects comme Hegel, Engel ou Althusser ?
La connaissance, la compétence, la responsabilité, la créativité, le progrès, ne saccordent pas bien avec la mise à lindex, la « pensée unique », lendoctrinement, le totalitarisme ou lautoritarisme sournois.
Si lon veut reprendre le grand chantier de la mission de lécole, préparer lindividu à devenir un citoyen responsable au sein dune démocratie, il faudra redonner à la véritable laïcité ses lettres de noblesse.
Il faudra quelle retrouve ses valeurs qui, au fond, ne sont pas si éloignées des préceptes moraux communs à toutes les religions.
J. P.
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