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La MILS sous les Tropiques
En trois ans, les voyages des membres de la Mission Interministérielle de Lutte contre les Sectes (MILS) - au total 88 voyages dans 43 pays - ont coûté cher aux contribuables.
Un « gâteau » d1 million deuros
Une commission gouvernementale qui na pas déquivalent en Europe, - « lexception française », encore une fois - vient de donner un exemple scandaleux de désinformation et de gaspillage des fonds publics. Les documents comptables obtenus par Éthique et Liberté révèlent que les contribuables français paient, sans le savoir, les nombreux voyages effectués vers toutes sortes de destinations exotiques par les membres de la dénommée « Mission Interministérielle de Lutte contre les Sectes » (MILS), mise en place par le gouvernement Jospin sous lautorité directe du cabinet du Premier Ministre. Ces révélations ont encore accru la polémique autour dune Mission déjà déchirée par les dissensions, les luttes de pouvoir et les démissions en chaîne, dont celle de son président, et accusée davoir rendu des rapports contenant nombre dinexactitudes.
Il na pas été facile dobtenir ces nouvelles informations sur la gestion financière de la MILS, qui nont été communiquées quaprès saisine de la Commission dAccès aux Documents Administratifs (CADA). Pour la seule année 2001, la Mission Interministérielle a consacré 35 % de ses dépenses aux voyages à létranger, son budget total sélevant à 1 Million deuros.
Voyages, voyages...
Ainsi, en trois ans, des membres de la Mission et son président ont effectué 88 voyages dans 43 pays, ce qui représente par exemple, pour la seule année 2000, 491 journées dabsence. Au catalogue des destinations, on trouve Abidjan, Athènes, Hong-Kong, Minneapolis, la Nouvelle-Zélande, lOuzbékistan, Vancouver, Rio de Janeiro, Antananarivo, Saint-Martin, etc. Palmiers et sable fin au menu. Les territoires dOutre-mer nont pas été oubliés. Martinique, Guadeloupe, Nouvelle-Calédonie et Polynésie Française ont fait lobjet de visites régulières. La palme revient cependant à la Guyane, département de 114 000 habitants, où quatre hauts fonctionnaires se sont rendus à cinq reprises, sans doute tombés sous le charme de Cayenne dès leur premier séjour dune semaine en octobre 1999.
La situation aurait pu être moins choquante si cette commission avait eu un objet essentiellement international. Ce nétait nullement le cas, sa mission étant dagir dans le cadre de lHexagone.
En effet, cest dans le cadre de la lutte contre les nouveaux mouvements religieux, philosophiques et thérapeutiques que les membres de la « Mission Interministérielle de Lutte contre les Sectes » (MILS), sous la houlette dAlain Vivien, pourfendeur professionnel de linorthodoxie religieuse, que ces voyages ont été effectués.
Le budget alloué pour lannée 2000 à cette commission bien lotie était de 7 109 424 Francs, soit 1 083 824 Euros. Comme en 2001, les voyages ont absorbé pratiquement un tiers des dépenses.
Les « blancs » des rapports de la MILS
Dautres voyages révélés par les relevés comptables soulèvent de sérieuses questions.
La gestion de la MILS démontre aussi un apparent mépris pour les règles de la transparence financière dans une démocratie, puisque nombre de ces voyages ne sont même pas mentionnés dans les rapports dactivité annuels.
A linstar de ces « blancs » des RG (des notes anonymes rédigées sans dévoiler la source des informations) quaffectionne tant Alain Vivien, les rapports de la MILS ont tout simplement occulté certains voyages.
Escamoté, le voyage à Abidjan aux frais de la MILS, effectué par un membre de la mission au même moment quAlain Vivien, qui se trouvait alors en Côte dIvoire avec sa casquette de président de lAssociation Française des Volontaires du Progrès.
Disparu, le séminaire de Nicosie (Ile de Chypre) du 25 au 29 septembre 2000, auquel 4 membres de la MILS, dont son président, ont pourtant assisté. Les résultats fracassants dune étude de première importance sur le satanisme et loccultisme, réalisée auprès des élèves des collèges de lîle, y ont été dévoilés, révélant que les enfants chypriotes considéraient comme satanique la musique rock et « heavy metal ». En dehors de la France, si largement représentée, aucun pays étranger navait jugé bon de participer. Seuls quelques intervenants grecs étaient venus en voisins. Mais lair est si doux, en septembre, à Chypre...
Daprès un article paru dans VSD (22-28 août 2002), ces « blancs » seraient loin dêtre le seul problème lié aux rapports de la MILS. Daniel Groscolas, inspecteur général au Ministère de lÉducation nationale, qui a démissionné du conseil dorientation de la MILS le 11 janvier 2001, a écrit à Lionel Jospin. Il prétend quAlain Vivien aurait monopolisé les rapports de la MILS, qui selon lui contiendraient des « inexactitudes et affirmations mensongères ».
Sans motif valable
Jusquà présent, personne à la MILS na été en mesure de justifier ces voyages. Par un hasard du calendrier, Alain Vivien a annoncé le 18 juin dernier sa démission de la présidence de la Mission, peu après la décision de la CADA de faire respecter le droit des citoyens à contrôler les dépenses publiques, en obligeant la MILS à communiquer ses comptes.
Il laisse derrière lui une commission déjà paralysée par les dissensions internes, les luttes pour le pouvoir et le fanatisme. Selon larticle de VSD, la MILS et sa mouvance dassociations militantes, comme lUNADFI et le CCMM, seraient face à une situation explosive. Un des principaux membres du Conseil dorientation de la MILS, écarté début 2001, affirme que son départ sexplique par « la volonté de Vivien déliminer tout ce qui pouvait lui faire de lombre ». « Alain Vivien », ajoute-t-il, « a détourné la lutte à son seul profit ».
Les voyages lointains faisaient apparemment partie de ces profits.
Les mystères de lOrient
Entre autres destinations - clés, A. Vivien a choisi le Grand Orient, autrement dit la Chine, pays avec lequel il entretient des liens très étroits.
Dès novembre 2000, il assistait en tant qu« observateur » à un symposium sur les « sectes » organisé par le gouvernement de Pékin, en compagnie de 2 autres membres de la MILS et de son épouse, directrice administrative du très actif CCMM, dont il venait juste de quitter le fauteuil de président. À notre connaissance, Alain Vivien était le seul représentant officiel dun gouvernement occidental à assister au symposium.
Les dirigeants chinois, tristement connus pour leurs violations des droits de lhomme, ne cachent pas quils considèrent la France comme un modèle pour leur propre politique dintolérance ; ils avaient donc tout pour devenir des élèves attentifs de la MILS. Quelques semaines seulement après le symposium, le gouvernement lançait une campagne sans précédent contre des mouvements chrétiens, détruisant quelque 1 500 lieux de culte « non autorisés », tout en poursuivant sa lutte contre le mouvement bouddhiste Falun Gong qui, selon les associations de droits de lhomme, aurait déjà fait des centaines de morts. Les violations continuent. Trois prêtres catholiques viennent dailleurs dêtre jetés en prison en application de la loi « antisectes » chinoise, directement inspirée de lexemple français.
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Le budget alloué pour lannée 2000 à la MILS était de 7 109 424 francs, soit 1 083 824 Euros. [...] Les voyages ont absorbé pratiquement un tiers des dépenses.
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Mais Alain Vivien avait peut-être autre chose en tête que la découverte des mystères de lOrient en sy rendant avec son épouse. Selon des sources proches de la MILS, il aurait rêvé dobtenir du gouvernement Jospin sa nomination à un poste dambassadeur, et pourquoi pas à Pékin.
La France de 2002
Éthique et Liberté vient de déposer une requête auprès de la Cour des Comptes pour que toute la lumière soit faite sur ces déplacements exotiques et lusage des deniers publics par la commission présidée par Alain Vivien.
Les sujets détonnement ne manquent pas. Nen doutons pas, la « France den bas » sera sensible aux 3 974 francs dépensés en boîtes de quatre feutres, ce qui, en estimant à 20 francs le coût dune boîte, nous met à pratiquement 800 feutres (pour 16 personnes).
Les scientologues ont déposé une requête auprès du Conseil dÉtat (voir encadré) pour demander labrogation du décret fondateur de la MILS, dont les méthodes comme les moyens sont aujourdhui publiquement contestés.
Les citoyens nont pas à financer une « guerre sainte » menée à létranger par des globe-trotters zélés qui sarrogent le droit de parler au nom de la France et de ternir son image au sein de la Communauté internationale des droits de lhomme.
La MILS, organe dune nouvelle inquisition, na décidément plus sa place dans la France multiculturelle de 2002.
Laurent Lesage
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