Alors que linsécurité augmente, cest la liberté de conscience qui est attaquée
Listes noires «à la McCarthy» et enquêtes pour raison politique caractérisent un Etat moins soucieux de faire reculer la délinquance que daffaiblir ceux qui osent penser autrement
Quand, en mars dernier, un homme sest levé calmement pour ouvrir le feu sur le conseil municipal de Nanterre, tuant huit personnes, les questions de sécurité sont revenues au premier rang de nos préoccupations.
A juste titre. Plus de quatre millions dactes de délinquance ont été rapportés dans notre pays en 2001, soit un toutes les sept secondes.
Des électeurs sans illusion ont manifesté leur mécontentement, déçus de voir quaucune institution navait lindépendance et la détermination pour « attaquer linsécurité ». On ne peut en être totalement surpris quand tant de nos élus semblent en priorité préoccupés par leurs propres transgressions : au cours des dix dernières années, plus de 600 élus ont été mis en examen ou inculpés, y compris de hauts personnages de lÉtat. Il est compréhensible que les simples citoyens en viennent à penser que certains personnages corrompus sont plus motivés par leur propre protection que par la lutte contre la criminalité.
De récentes révélations ont renforcé ces convictions quelque peu cyniques. En 2001, la presse a révélé que les Renseignements Généraux avaient placé sous étroite surveillance 257 groupes et 155 hommes et femmes, parmi lesquels des responsables des droits de lhomme, des écrivains, des cinéastes et dautres personnalités considérées comme dextrême gauche, à côté de terroristes notoires. Le cinéaste Bertrand Tavernier, le metteur en scène Patrice Chéreau, lécrivain Didier Daeninckx, quatre députés, un évêque, des professeurs duniversité, des journalistes et des organisations contre le racisme avaient ainsi été mis sur écoute.
Selon un rapport, le nom de Bertrand Tavernier apparaissait souvent parmi les signataires de pétitions pour les droits de lhomme, ce qui en faisait apparemment aux yeux des R.G. une menace pour la sécurité de lÉtat. Mis au courant de cette surveillance, il déclara : « Lexistence de ces dossiers policiers est extraordinaire, choquante et ridicule. Cela me rappelle le maccarthysme. », faisant ainsi allusion à linfâme sénateur américain Joe McCarthy qui accusa au début des années 50 des centaines dartistes, décrivains et dhommes politiques de sympathies communistes, ruinant souvent leur carrière et brisant leur vie dans cette période dhystérie anticommuniste.
McCarthy travaillait en étroite collaboration avec léquivalent de nos R.G., le F.B.I., qui dressait des listes noires et mettait sous surveillance toute personne soupçonnée de sympathies communistes, y compris tout opposant aux méthodes de McCarthy. A cause de leurs actions, les droits et la vie de citoyens furent systématiquement ruinés.
Maccarthysme à la française
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Ce sont les R.G. qui, en 1995, compilèrent une liste de 172 groupes religieux, spirituels et philosophiques et la livrèrent à une poignée de politiciens extrémistes connus pour leur opposition fanatique aux prétendues « sectes ».
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Les révélations sur la mise sur écoute de citoyens français par nos propres forces de sécurité intérieure, simplement parce quils défendent les droits de lhomme, jettent un nouvel éclairage sur un autre sujet qui rappelle lépoque de McCarthy.
Ce sont les R.G. qui, en 1995, compilèrent une liste de 172 groupes religieux, spirituels et philosophiques et la livrèrent à une poignée de politiciens extrémistes connus pour leur opposition fanatique aux prétendues « sectes ».
De façon assez peu surprenante, la liste noire déclencha une vague de discriminations sans précédent contre les groupes minoritaires en France, créant un climat où le recours à la violence pouvait paraître justifié à des personnalités fragiles (voir article P.1 Le vrai visage de lextrémisme).
La législation fut utilisée pour justifier la création dun organisme dEtat pour opprimer les nouveaux mouvements religieux, la « Mission Interministérielle de Lutte contre les Sectes »(MILS), présidée par Alain Vivien.
Des politiciens extrémistes exploitèrent la liste noire pour tailler sur mesure une loi donnant à lÉtat le pouvoir de dissoudre tout groupe religieux, philosophique ou ethnique dès lors que lun de ses responsables aurait été condamné deux fois. (Les partis politiques étaient explicitement exclus du champ dapplication de la loi, étant donné que leurs membres, y compris quelques ardents supporters de la loi, totalisent quelques centaines de condamnations sur dix ans.)
Après ladoption de telles mesures, le même carré dhommes politiques mobilise les ressources de lÉtat au profit denquêtes à motivation politique, cherchant à obtenir des condamnations dans le but ultime de détruire ces groupes. Il ne sagit plus du tout de justice, mais de contrôle social.
Des « affaires » politiques
Prenons le cas de lÉglise de Scientologie de Paris, vigoureux défenseur des droits de lhomme depuis de nombreuses années, et de son président, Marc Walter, qui ont remporté en mai dernier une victoire substantielle dans lune de ces affaires politiques.
Laffaire reposait sur des faits dune grande banalité, dont le seul aspect notable était davoir été jugés dignes de faire lobjet dune instruction. LÉglise de Paris avait adressé par inadvertance quelques courriers en cinq ans à une personne qui avait demandé à ne plus en recevoir. Malheureuse erreur administrative, mais en 1999, au moment où la loi de dissolution évoquée ci-dessus était discutée, lÉtat sen saisit pour monter une « affaire ». Le procureur ajouta deux autres incidents très similaires, ne tenant aucun compte du fait quils concernaient des églises de Scientologie totalement différentes.
Quand on voit le nombre de courriers provenant dorganismes les plus divers qui se déversent dans nos boîtes à lettres chaque jour, on a du mal à imaginer lengorgement indescriptible des tribunaux si la justice devait être saisie de chaque erreur administrative.
De tels dysfonctionnements font rarement lobjet de poursuites, puisque la Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL) est là pour veiller à ce quils se règlent à lamiable.
Sauf lorsquune volonté politique exige des poursuites.
Sur 3 000 plaintes reçues par la CNIL en 2000, dont plusieurs portant sur de sérieuses infractions à la loi sur la protection des données, seule cette plainte mineure pour quelques courriers envoyés par erreur a été transmise par la CNIL et donné lieu à des poursuites. Depuis sa création en 1978, la CNIL a reçu plus de 33 000 plaintes, dont seulement 17 au total ont donné lieu à des poursuites.
Cette affaire naurait jamais dû aller devant un tribunal, puisquaucun délit navait été commis. Cest pourtant ce qui sest produit, dans le climat de discrimination à la McCarthy généré par les R.G., la MILS et lADFI.
Autre aspect particulier de laffaire : en février 2002, lors du procès, aucune des prétendues « victimes » les destinataires des fameux courriers ne se présenta. Ni la CNIL dailleurs.
LADFI, elle, était présente, bras antireligieux de lÉtat.
Son engagement portait sur bien plus que quelques courriers. LADFI, qui prétend être une association « privée », dépense une bonne partie des 2,7 millions de francs de subventions quelle reçoit du gouvernement en se constituant « partie civile » dans des affaires qui concernent des mouvements religieux ou spirituels, comme la loi du 12 juin 2001 ly autorise. Elle nest donc rien dautre quun groupe engageant des poursuites infondées pour le compte de lEtat en violation du principe de laïcité.
« Condamnation » du témoin du Ministère public
Lunique témoin du Ministère public suffit à faire la preuve de la nature vindicative et discriminatoire de ce dossier.
Celui-ci, découvrit-on, ne possédait strictement aucune information directe sur laffaire, mais le plus grave nest pas là. Dailleurs, ce « témoin » se trouvait lui-même sous le coup dune mise en examen.
Quatre jours après sa déposition en tant que témoin du gouvernement, le tribunal de Villefranche-sur-Saône le condamnait pour provocation au meurtre dun avocat de lÉglise de Scientologie, condamnation dont il a fait appel.
Tout comme lunique témoin du gouvernement, lunique témoin de lADFI, présenté par lavocat de lADFI Olivier Morice, navait aucune information directe à apporter et nétait motivé que par un désir de revanche.
Le tribunal a vu clair dans cette affaire et rejeté en mai dernier la majorité des accusations.
Le juge a considéré « non pertinents » les témoignages des témoins du procureur et de lADFI, indiquant que leurs allégations ne correspondaient pas aux bonnes périodes ou étaient sans rapport avec les accusés ou les accusations les concernant.
De plus, le tribunal a jugé que les matériaux religieux de lÉglise de Scientologie étaient présentés de façon juste et honnête. LÉglise de Scientologie a fait appel dune condamnation mineure liée à la protection des données
Quen est-il des fautes commises par les R.G. ? Pour avoir compilé des dossiers secrets sur des personnalités en vue, dont le « délit » est dexercer leur liberté de pensée et dexpression ? Deux membres des R.G. les boucs émissaires ont été paraît-il « critiqués » et « réprimandés » pour leurs actions.
Il nest pas étonnant que les électeurs français soient si sceptiques sur la capacité de lEtat à se réformer et à venir à bout de la vraie criminalité.
Un nouveau mandat
Le nouveau gouvernement doit tenir compte de cette situation. Il devra tirer les leçons des erreurs de son prédécesseur.
Les gens ont toujours été méfiants face aux administrations qui consacrent dénormes ressources à harceler des minorités tout en ignorant la corruption à grande échelle et les violations des droits et des libertés.
Les Français ont exprimé leur volonté ; ils ont rejeté linsécurité, tout comme lintolérance et lextrémisme, en descendant massivement dans la rue et en déposant leurs bulletins de vote dans lurne.
Leur message est clair : défendez les libertés individuelles, la tolérance et la démocratie, orientez lappareil judiciaire pour faire diminuer linsécurité et amenez les vrais délinquants devant la justice.
Et, dans le même esprit : mettez fin à des enquêtes qui ne sont que lexpression dune volonté politique, et à des affaires orchestrées par des politiciens extrémistes contre ceux qui exercent leur droit à la liberté de conscience.
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