Les tabous de lhistoire
Je viens de lire le tout dernier livre de Marc Ferro. Historien de la Russie et analyste des relations entre le cinéma et lhistoire, Marc Ferro avait déjà porté sa réflexion sur lenseignement de lhistoire. Cette fois-ci, dans Les tabous de lhistoire, il sinterroge sur « ce que lon nose pas dire en certaines circonstances » ces chapitres clos de lHistoire qui mènent inévitablement à la perversion de la vérité.
Sources et puissance du non-dit sont passées en revue, dans cet essai qui ne prétend ni à linventaire ni au livre des records, mais qui se propose dapporter un éclairage (quelles sont les données historiques, quels sont les enjeux du silence ?) sur quelques tabous de lhistoire de Jeanne dArc à la princesse Anastasia, des guerres de religion aux origines du pouvoir bolchévique, en passant par les guerres mondiales et par la diaspora.
Le livre de Marc Ferro vaut le détour. Il faut lire les historiens quand ils réfléchissent sur lhistoire, car la vision et la compréhension quils nous donnent du passé nous aident à évaluer le monde dans lequel nous vivons.
Il va de soi quen le refermant, je ne pouvais que minterroger, portée par lélan, sur un « tabou » actuel qui me préoccupe car il pourrait tout doucement basculer dans lhistoire, celui de la liberté desprit en France.
Sauf peut-être en période de crise aiguë comme celle que nous avons connue entre les deux tours de lélection présidentielle, personne nose dire que chez nous la liberté de pensée est menacée. Le reconnaître serait un affront à limage de notre pays, à un moment où cette image est lune de nos dernières valeurs sures. Égratigner un symbole est sacrilège, et ce symbole-là imprègne notre fierté intime. Parler de violation de ce droit serait plus que politiquement incorrect, cela relèverait quasiment de la haute trahison. Que des politiciens et des activistes sans scrupule puissent menacer la liberté de pensée et de croyance par leurs actions, par la propagande, par la délation pour faire perdre leur emploi à des personnes ou pour isoler des familles de toute façon les victimes ne seront pas crédibles, le crime naura aucune réalité sociale face au tabou : on ne parle pas, en France, dune quelconque menace contre la liberté de pensée !
Cest à labri de ce tabou que des organismes comme la MILS (Mission Interministérielle de Lutte contre les Sectes), ou des associations intégristes financées par lÉtat comme lADFI ou le CCMM, agissent en toute impunité sous les yeux effarés des organisations internationales (Commission des droits de lhomme de lONU, Fédération dHelsinki, Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe) et de nombreux observateurs internationaux (leaders religieux, sociologues, politologues). Chaque jour, leurs actions tendent à restreindre le droit à la liberté de conscience dinnombrables citoyens français.
Eh bien, je ne suis pas daccord.
A côté des tabous de lhistoire que lon peut recenser aujourdhui, il y a tous les tabous mort-nés, tous ceux qui ont été refusés par des hommes ou des femmes dotés dabord de lucidité et ensuite de courage.
Puisquil y a en France des menaces bien concrètes contre les libertés individuelles, il relève de la moindre sagesse den prendre acte, puis dagir. La honte, sil y en a une, nest pas dêtre confronté à un problème, mais de ne pas le résoudre !
Dénonçons et mettons fin à la propagande et aux actes des petits groupes liberticides qui se sont infiltrés dans les rouages de la puissance publique à linstigation de la MILS. Le symbole de la France, pays des libertés, nen sera que renforcé.
Danièle Gounord
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