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Éthique & Liberté - Le journal des Droits de l'Homme de l'Église de Scientologie
Intolérance : la France sous surveillance  

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Le spectre du totalitarisme

Des politiciens extrémistes derrière l’attaque contre les libertés démocratiques

 T ous les « grands soirs » ont un dénominateur commun : il s’agit d’attaques soudaines et violentes, destinées à éliminer une catégorie de la population. Ils sont précédés par une propagande, tendant à montrer que les cibles visées—qu’il s’agisse d’une nation ennemie, d’une secte ou fausse religion, ou d’une minorité ethnique—méritent l’extinction. Les attaques semblent alors justifiées ou même nécessaires et écartent pratiquement toutes les protestations publiques ou officielles.

Mais c’est le 30 mai 2001, en France et en pleine Assemblée nationale, que le député Rudy Salles a publiquement déploré : « Il ne peut malheureusement pas y avoir de “grand soir” des “sectes” qui nous permettrait de tout régler en une seule fois », et que le député Jean-Pierre Brard lui a répondu : « C’est dommage ». Plus alarmant encore, aucun des députés présents, non plus que le Ministre de la Justice, ne s’en sont émus, lors des débats précédant le vote de la loi visant la destruction des groupes soi-disant sectaires, définis par la députée Catherine Picard, co-rapporteur du texte, comme « spirituels, ethnologiques et philosophiques ».

Une démarche intégriste contre la liberté


Picard, About et Brard
La loi présentée par la députée Catherine Picard, co-rapporteur de la proposition avec le sénateur Nicolas About, a été adoptée le 30 mai dernier par les 30 députés présents ; Jean-Pierre Brard a exprimé lors des débats son soutien sans réserve au texte.


La loi, donne aux tribunaux le pouvoir de dissoudre un large éventail de groupes, dès lors que certaines conditions arbitraires sont réunies, et de condamner potentiellement toute forme de prosélytisme, de consultation, de thérapie non conventionnelle, d’enseignement ou de formation en invoquant un « état de sujétion ».

Une précédente version de la loi About-Picard avait cherché à introduire le délit de « manipulation mentale ».

La comparaison historique mène directement à l’ancienne loi italienne qui créait le délit de « plagio ». Comme l’explique le Dr Massimo Introvigne, directeur du Centre pour l’Étude des Nouvelles Religions (CESNUR) : « Le crime de “plagio” (ou lavage de cerveau) a été créé par le régime fasciste et supprimé du code pénal des années plus tard (en 1981) par la Cour Constitutionnelle, comme non conforme à la constitution de l’Italie démocratique. »

Selon un article paru dans le quotidien italien La Stampa en juillet dernier : « On assiste en France à la renaissance d’un personnage bien connu de nous, bien qu’ancien : le plagio. La véritable nouveauté, la création du délit de manipulation mentale... a disparu dans la seconde version de la loi, mais la substance en a été conservée, rendant de fait tout mouvement religieux vulnérable, y compris l’Église catholique. »

Les positions des défenseurs de la loi sont claires. Comme l’a promis le député Philippe Vuilque dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, les « prochaines batailles » seront dirigées contre « certaines ONG, [les] réseaux de psychothérapeutes, certains groupes de guérison ou de lutte contre le diable constitués autour d’un leader charismatique qui se réfère à la Bible, au Coran au Talmud [...] »—» certains groupes » qui ne sont donc rien moins que des Chrétiens, des Musulmans et des Juifs entre autres.

Une poignée de politiciens

Alors que les médias ont fait état d’un consensus politique pour soutenir la loi About-Picard, ce soutien se limite en fait à une poignée d’intégristes qui tissent leur toile depuis de nombreuses années. Rassemblés au Sénat puis à l’Assemblée nationale pour faire voter la loi, ils réussirent à constituer une majorité... sur les 20 sénateurs et les 30 députés présents !

À titre d’exemple, au sein du petit groupe de députés, Rudy Salles était l’ancien secrétaire et Jean-Pierre Brard le vice-président de la commission parlementaire de 1995 sur les sectes, qui a établi une liste noire de 172 groupes minoritaires utilisée comme fondement de la loi About-Picard. J.-P. Brard était également rapporteur, R. Salles vice-président et P. Vuilque membre de la commission parlementaire de 1999 sur les finances des sectes, commission dont faisait également partie Catherine Picard, co-rapporteur de la loi About-Picard. Les méthodes des deux commissions ont été dénoncées par des organisations internationales de défense des Droits de l’Homme et par des universitaires pour leur partialité et leur manque de professionnalisme. Le rapporteur de la commission de 1995 et le président de la commission de 1999 ne faisaient qu’un : le député Jacques Guyard, autre bruyant défenseur de la loi About-Picard.

« On ira foutre la merde ... »

On retrouve le même réseau d’hommes politiques derrière la campagne de propagande déchaînée contre les groupes minoritaires, campagne indispensable pour leur permettre de justifier leurs attaques extrémistes et de faire adopter des textes comme la loi About-Picard. Leur influence dans les affaires de la république est due pour une large part à l’influence idéologique et politique exercée par Alain Vivien, président de la MILS, établie sous l’autorité du Premier Ministre Lionel Jospin en 1998, une autre conséquence de la Commission parlementaire de 1995 sur les sectes.

Homme de l’ombre, Alain Vivien prit les rênes de la MILS après deux années passées à la tête du Centre contre les Manipulations Mentales (CCMM), centre largement subventionné par les pouvoirs publics, dont le fondateur, Roger Ikor, proclamait : « Oui il n’y a pas, entre une secte et une religion, une différence de nature, ou plutôt de principe ; il n’y a qu’une différence de degré et de dimension. » (1)

Ikor militait en faveur d’un grand soir de violence contre les religions minoritaires, exhortant en ces termes : « Il faut cogner, détruire ces sectes.», disait-il. « On ira foutre la merde dans ces antres de mort que sont les sectes. Flanquer en l’air les restaurants macrobiotiques, les centres Krishna et autres.» (2)

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La véritable nouveauté, la création du délit de manipulation mentale... a disparu dans la seconde version de la loi, mais la substance en a été conservée, rendant de fait tout mouvement religieux vulnérable, y compris l’Église catholique. »
La Stampa, juillet 2001

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Alain Vivien, chef de la MILS, a gardé des relations très étroites avec le CCMM. Leur alliance dépasse le cadre français et s’étend à des pays au régime totalitaire comme la Chine.

Selon la lettre d’information du CCMM, Regard, en Chine, « la France est souvent citée en exemple en raison de ses actions larges et cohérentes contre le danger des sectes. »

Chose à peine croyable, A. Vivien, tout comme des représentants du CCMM, ont pris part à un symposium sur les sectes à Pékin l’automne dernier. Depuis, les médias occidentaux se sont insurgés contre le déclenchement par les autorités chinoises d’une violente campagne de répression contre 1 500 églises chrétiennes « non autorisées », qui a détruit les lieux de culte.

Il faut des boucs émissaires

Il n’y a jamais de motif rationnel à l’intolérance. Mais les observateurs du climat français actuel et de la montée de l’extrémisme dans plusieurs pays d’Europe occidentale ont noté un lien entre l’activité antireligieuse et l’augmentation de la corruption et de l’instabilité politiques. Il faut donc trouver des boucs émissaires pour les accuser des désordres sociaux et économiques qui en résultent.

Selon la délégation européenne à la conférence de l’OSCE de 1999 : « le large éventail de causes de la discrimination ou de violations des droits » comprend « le besoin de boucs émissaires dans des périodes de détresse socio-économique ». Les minorités, en particulier de nature ethnique et religieuse, ont de tous temps été les boucs émissaires favoris de dirigeants corrompus et de régimes totalitaires.

L’Allemagne du milieu des années 1990 offre un exemple frappant de telles tentatives de diversion de l’opinion publique. La ferveur « anti-sectes », particulièrement de la part de certains politiciens de la CDU, avait considérablement discrédité la République fédérale au sein de la communauté internationale des Droits de l’Homme. Norbert Bluem, dirigeant de la CDU et ancien Ministre Fédéral du Travail, sous lequel le chômage avait atteint son plus haut niveau depuis la seconde Guerre Mondiale, était l’un des plus virulents d’entre eux.

Norbert Bluem tomba en disgrâce lorsqu’on découvrit qu’en tant qu’adjoint d’Helmut Kohl, il avait accepté des millions de deutsche Marks d’origine inconnue et transféré ces fonds secrets sur des comptes bancaires en Suisse et au Liechtenstein. On comprend mieux pourquoi l’accusation favorite de Norbert Bluem contre certaines religions minoritaires était de les traiter d’« organisations internationales se livrant au blanchiment d’argent ». Ne lui fallait-il pas à tout prix détourner l’attention des pratiques en vigueur au sein de la CDU, en accusant d’autres groupes de ses propres délits ?

Aujourd’hui en France, la corruption du monde politique a atteint de consternants sommets. Selon l’indice 2000 de l’ONG Transparency International, la France est reléguée au 21e rang des pays les moins corrompus. Les condamnations d’hommes politiques, les démissions diplomatiques et les excuses cousues de fil blanc sont des lieux communs. Au cours des dernières années, plus de 200 affaires impliquant des personnages politiques ont été jugées devant les tribunaux, donnant lieu à plus de 150 condamnations.

Et si l’on appliquait aux partis politiques les dispositions de la loi About-Picard, lesquels ne seraient pas passibles de dissolution ?


(1) Les cahiers rationalistes, décembre 1980, N° 364.

(2) Le Matin, 26 janvier et 5 février 1981.

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