Sur la porte, une petite plaque indique en lettres noires quil abrite le siège de l« Union Nationale des Associations de Défense des Familles et de lIndividu (UNADFI) », dénomination révélatrice du sentiment dinsécurité propre à notre époque.
Mais lapparente respectabilité ne résiste pas à un examen plus approfondi. En poussant cette porte, on pénètre dans lantre dune association qui se consacre à soutenir lintolérance religieuse, entreprise ô combien périlleuse par les temps qui courent, abritant fanatisme et dissensions. Le réseau connu sous le nom dADFI est devenu si incontrôlable que le 21 septembre dernier, sa présidente démissionnait.
Ces pourfendeurs de la liberté de choix se sont abusivement posés en défenseurs de la famille et de lindividu.
À labri de la caution politique et morale apportée par la Mission Interministérielle de Lutte contre les Sectes (MILS), lADFI a entretenu un climat dexclusion, dans des proportions telles quelle a attiré lattention dassociations de droits de lhomme et dorganisations gouvernementales au niveau international.
Le départ de Mme Tavernier est apparemment le résultat dune lutte dinfluence et de dissensions avec le président de la MILS, Alain Vivien, à qui elle reproche de « vouloir tout régenter » (Le Point, 19 octobre 2001). Si lon en croit les articles de presse, même J. Tavernier sinquiète de la radicalisation de son réseau et de la MILS dAlain Vivien, et de lextrémisme anti-religieux qui en résulte.
Selon certains observateurs, le fait que Janine Tavernier ait décidé de prendre ses distances en dit long sur ses sentiments envers le groupe quelle a dirigé pendant si longtemps.
La plus grande ambiguïté de lUNADFI est de vivre aux crochets de lEtat alors quelle se présente comme un mouvement populaire. Mais à en juger par lexamen des sommes qui se déversent dans ses coffres, les particuliers ne se bousculent pas pour apporter leur contribution. Ce sont donc les contribuables, y compris ses nombreuses victimes, qui paient pour lADFI.
Il suffit dexaminer les documents financiers de lUNADFI, que lassociation se garde bien de communiquer au grand public, pour se rendre compte des abus : elle vit en effet essentiellement de subventions attribuées par différents ministères, sans lesquelles elle ne pourrait pas survivre.
Nous avons été stupéfaits de découvrir dans son bilan 2000 que sur plus de deux millions sept cent mille francs de ressources, les cotisations provenant des membres ne sélevaient quà 30 000 FF !
et le Ministère de la défense : 20 000 FF
Il faut ajouter à ces chiffres déjà faramineux les subventions accordées aux différentes ADFI par les collectivités locales.
Ces associations se servent donc des rouages de lÉtat pour financer une lutte idéologique contre un certain nombre de contribuables.
DÉFENSE DE LA FAMILLE ET DE LINDIVIDU ?
Notons tout dabord que 90 % des fonds généreusement octroyés par les pouvoirs publics à lassociation sont absorbés par les salaires versés à ses neuf permanents.
Une faible part de ses ressources reste néanmoins disponible pour ses actions si ostensiblement présentées comme étant dutilité publique.
Quelles actions ?
...........................
Ces associations se servent des rouages de lÉtat pour financer une lutte idéologique contre un certain nombre de citoyens.
...........................
|
|
Lassociation UNADFI sest récemment installée dans le 18e arrondissement de Paris, le plus touché par la drogue, la criminalité et linsécurité. Mais lADFI ne fait rien pour enrayer ce fléau - qui menace chaque jour de destruction des individus et des familles - et sest même farouchement opposée à une campagne de prévention menée par lassociation Non à la drogue, Oui à la vie. Parrainée par lÉglise de Scientologie, cette campagne nationale vise à informer sur le danger des drogues à travers deux messages : « La drogue détruit la culture » et « La drogue détruit les générations futures ».
Lassociation Non à la drogue, Oui à la vie est présente dans toute les grandes villes de France et a distribué depuis 5 ans plus de 3 millions de brochures de prévention gratuites, répondant ainsi au besoin dinformation du grand public.
Alors quil faudrait unir toutes les énergies dans des actions de prévention efficace, lopposition surprenante de lUNADFI ne ferait-elle pas en fait le jeu des dealers ?
Lassociation Non à la drogue, Oui à la Vie a déposé une requête auprès des pouvoirs publics, demandant larrêt des subventions à lUNADFI, puisquil devient de plus en plus évident que celle-ci ne sert pas lintérêt public.
Ce qui na dailleurs rien de nouveau.
CAMPAGNES DE DISCRIMINATION
LADFI a déjà fait la preuve de sa capacité à agir contre lintérêt des familles et des individus, à défaut de les aider. Ces tentatives pour mettre fin à une campagne de prévention anti-drogue nen sont quun exemple de plus.
Des témoignages de plus en plus nombreux dénoncent le rôle joué par lADFI dans des campagnes de haine et de discrimination à lencontre de membres de groupes spirituels ou philosophiques.
Bernard Lempert, psychothérapeute et fondateur de lassociation lArbre au Milieu, en a été victime. Cette association sintéresse aux violences familiales et travaille en étroite collaboration avec les services sociaux, les magistrats, les avocats. Au début des années 90, B. Lempert suit une jeune femme gravement anorexique qui préfère alors sinstaller à Aix-en-Provence pour fuir une mère trop possessive. Selon lui, Anne-Marie F., mère de la jeune femme, et lADFI Bretagne auraient alors orchestré une campagne de dénigrement contre lui, « un véritable déferlement de haine », dit-il.
« ... La rumeur galope. LArbre au Milieu atterrit dans le rapport des RG que recopie en 1996 le rapport parlementaire. » (Libération, 30/3/98). La commission parlementaire, sous la direction dune petite cellule de politiciens farouchement anti-religieux, dresse dans son rapport une liste noire de 172 mouvements, donnant ainsi le signal de la chasse aux sorcières.
« Être sur la liste, cest être jugé, condamné moralement, détruit, exécuté », explique Bernard Lempert (La Croix, 10/2/98). « Je le suis sans avoir pu me défendre, et sans quil y ait eu le moindre commencement denquête. »
Le quotidien Libération, qui avait révélé toute laffaire, a été poursuivi en diffamation par la présidente de lUNADFI en juin 1998. Mais celle-ci retira sa plainte 3 jours avant laudience (Libération, 5 octobre 1999). Et malgré un jugement du tribunal de Rennes doctobre 1998 qui lave B. Lempert de tout soupçon, la rumeur continue à poursuivre LArbre au Milieu et son fondateur.
Léconomiste suisse André Poulin, lui, a vu sa carrière brisée par une campagne de diffamation à laquelle lADFI a apporté sa contribution. Sur la seule base dinformations sans fondements, la présidente de lUNADFI écrit le 23 mai 1997 quun certain A. Poulin, « né à Genève, habitant Onex maintenant, a bien été membre de lOTS [Ordre du Temple Solaire] ».
Une affirmation grave, qui sera utilisée par les accusateurs dAndré Poulin dans la poursuite de leur haineuse campagne médiatique « anti-sectes ». J. Tavernier reconnaîtra par la suite son erreur : « Je me suis fait piéger », déclare-t-elle en guise dexcuse au magazine LIllustré (1er juillet 1998).
Un aveu trop tardif, car André Poulin se débat depuis janvier 1996 contre une campagne de rumeurs dénuées de tout fondement, née dune confusion avec un autre André Poulin, canadien et membre, lui, de lOrdre du Temple Solaire.
Son père, âgé de 82 ans, est lui aussi mis en cause et sindigne : « Cest épouvantable. Ma femme fait une grave dépression nerveuse. Mon fils est détruit. »
DES FAMILLES DÉCHIRÉES
Un représentant de La Famille, mouvement chrétien évangélique, a témoigné lan dernier devant une commission spéciale denquête sur lintolérance religieuse en France du traumatisme vécu par les membres de son groupe en 1993. Les pouvoirs publics, se basant sur de fausses accusations dabus à enfants (portées par lADFI et des groupes apparentés), avaient ordonné une perquisition au domicile des membres de La Famille. Plus de deux cents gendarmes, brandissant haches et armes semi-automatiques, firent irruption à laube dans les maisons.
Une cinquantaine dadultes, menottes aux poignets, furent emmenés de force sous les yeux de leurs enfants terrifiés. Une jeune fille de 15 ans dut rester menottée pendant quatre heures, vêtue de ses seuls sous-vêtements. Pendant que leurs parents étaient interrogés, les plus jeunes furent emmenés dans des centres de détention et soumis à des examens humiliants.
En janvier 1999, le tribunal dAix-en-Provence rendit son verdict. Les accusations étaient sans fondement. Tous les membres bénéficièrent dun non-lieu. Mais il avait fallu un mois pour que les enfants soient enfin rendus à leurs parents, sans que rien puisse jamais effacer le cauchemar de cette expérience traumatisante.
LADFI, fidèle à elle-même, qualifia la décision du tribunal de « catastrophe » et fit appel. Cet appel fut rejeté le 24 février 2000 par la cour dAix-en-Provence.
La justice française, heureusement, ne partage pas les préjugés et lintolérance de lADFI en matière de principes constitutionnels et dégalité des droits. Mais même lorsque les abus de lADFI se heurtent à linstitution judiciaire, comme dans ce cas, les dommages causés, eux, laissent des traces irréparables.
PAR ACTION OU PAR OMISSION
Lintolérance et lexclusion ouvrent inévitablement la porte à la violence, qui est alors perçue comme justifiable par des personnalités fragiles.
Le 28 juillet 1992, à Lyon, un certain Roger Dorysse, âgé de 62 ans, abattait un homme en pleine rue et lachevait sous les yeux des passants horrifiés. Lhomme qui gisait étendu sur le trottoir sappelait Jean Miguères, et il était président dune association détude des OVNI.
Cétait aussi le gendre de Dorysse. Les deux époux Dorysse étaient membres de lADFI qui avait étiqueté lassociation « secte UFO » et avait indiqué aux Dorysse que le Centre pour létude des OVNI était considéré comme suspect...
Roger Dorysse fut arrêté par la police et incarcéré. Le 25 janvier 1995, il fut jugé coupable de meurtre avec préméditation et condamné à 6 ans de prison.
Le 7 mars 1997, un étudiant âgé de 19 ans dépose une bombe devant une église à Angers. Le quartier va être bloqué jusquà la neutralisation de lengin explosif par les démineurs, engin qui, selon les experts, aurait pu occasionner des dégâts considérables. Une semaine plus tard, lauteur de laction est arrêté.
« Je considérais que presque tous les moyens étaient justifiés pour lutter contre ces organisations. Je me voyais comme une sorte de Zorro volant au secours des victimes », a-t-il expliqué devant le tribunal correctionnel dAngers.
Lavocat de léglise visée par lattentat a dénoncé « le climat dintolérance », affirmant : « Il a été manipulé, lADFI et la MILS lont envoyé faire le sale boulot quelles nont pas le courage de faire ».
Le 14 septembre dernier, le tribunal a condamné le jeune homme à 18 mois de prison dont 16 avec sursis et mise à lépreuve pendant 3 ans. Mais pendant ce temps, les campagnes de propagande qui génèrent un climat propice à dautres actes de violence continuent.
QUAND LA RUMEUR TUE ...
Depuis des mois courait une rumeur sans fondement, selon laquelle le Dr Yves Jullien, médecin respecté de lIsle sur Serein, près dAvallon, aurait été « le gourou dune secte » - une rumeur qui, dans le climat dhystérie « anti-sectes » entretenu par lADFI, suffit à ruiner quelquun socialement et professionnellement.
En réalité, le centre Épinoïa dirigé par le Dr Jullien soignait des patients envoyés, entre autres, par linstitution judiciaire et lhôpital psychiatrique dAuxerre.
« Yves Jullien a été piétiné parce quil utilisait des techniques thérapeutiques qui lui étaient propres, parce quil fonctionnait hors des sentiers battus en compagnie de marginaux qui lui étaient chers. Il dérangeait, même sil ne sopposait pas ouvertement au système. Il demandait simplement le droit à la différence. Ce droit lui a été refusé. » LYonne Républicaine, 20/6/01.
Le 6 mars 2000, le Dr Jullien sest suicidé.
Janine Tavernier, présidente de lUNADFI, sest expliquée dans lémission de France 2 Vie Privée, Vie Publique du 21 mars 2001.
Lassociation, a-t-elle dit en se référant à laffaire Jullien, « ne fait pas denquête ».
Face à Mireille Dumas, animatrice de lémission, qui sétonnait que lUNADFI ait pu tirer des conclusions et donner un avis dans ces conditions, J. Tavernier a révélé que quelquun avait appelé lADFI pour dire que la personne dirigeant ce centre faisait partie du mouvement dun gourou indien. Elle a admis quils avaient probablement à leur tour communiqué cette information sans fondement.
« Tout ce quon dit prend des proportions terribles », a-t-elle reconnu en essayant maladroitement de minimiser laffaire, avant dajouter quils devraient être « plus prudents » à lavenir.
CHASSE AUX SORCIÈRES
Sans mener denquête, sans vérifier ses sources, lUNADFI a la prétention dêtre la référence incontournable en matière dinformation. Mais ses actes montrent que lassociation continue à porter haut le drapeau de lintolérance religieuse, simmisçant de plus en plus dans la vie privée des Français.
Allumer des cierges chez soi, avoir des croyances et des pratiques un tant soi peu originales, expose tout citoyen au risque dune enquête de police suite à la plainte dun voisin grincheux auprès de lADFI.
Lhistoire dun jeune homme illustrera ce propos - nous avons volontairement changé les prénoms.
Robert et Véronique, membres actifs dun mouvement religieux, annoncent leur mariage aux parents de Véronique. Ces derniers sont très heureux, mais le futur beau-frère de Robert, alerté par les convictions religieuses des jeunes gens, décide de mener sa propre enquête. Robert et Véronique ne se doutent de rien et envoient leurs invitations à toute la famille. Au dernier moment, ils ont le choc dapprendre que la moitié de la famille de Véronique se décommande et refuse dassister à la cérémonie et au banquet !
Après enquête, il savère que le frère de Véronique a envoyé à tous les membres de sa famille une documentation diffamant la religion du couple, estampillée du tampon de lADFI et dune association jumelle, le Centre contre les Manipulations Mentales (CCMM). Parmi les documents figure notamment un article de presse mensonger mettant en cause Robert, dont lauteur avait été condamné quelques années auparavant pour diffamation, sans quaucune mention de cette condamnation ne figure dans le dossier. Ainsi, la documentation venant de ces associations contenait des informations nominatives, fausses qui plus est, communiquées à un membre de la famille pour exacerber un conflit qui, sans cette intervention, aurait certainement pu être résolu.
Peut-on encore parler de « défense de la famille » ?
On ne compte plus les cas de divorce où lintervention dune association « anti-secte » dans la procédure judiciaire a eu des résultats désastreux, comme le refus daccorder la garde ou même le droit de visite des enfants à lun des deux époux, uniquement à cause de ses croyances.
La Cour européenne des droits de lhomme a clairement condamné ce genre de pratiques discriminatoires. Elles se poursuivent néanmoins.
INQUISITION À LA FRANÇAISE
La loi About-Picard récemment adoptée par les députés donne à lUNADFI le droit de se porter partie civile contre toute association baptisée « secte » par la rumeur. Elle pourra donc désormais poursuivre de sa vindicte les familles et les individus dont les croyances lui déplairont jusque devant un tribunal, et ce en labsence de toute plainte.
Beaucoup saccordent à reconnaître que ce texte constitue la reconnaissance officielle dune forme moderne dInquisition.
Cest dans ce contexte que Janine Tavernier vient de démissionner de son poste de présidente de lUNADFI.
Lintolérance générée par son propre mouvement a atteint un stade encore plus dangereux, car le combat de lassociation se situe désormais ouvertement sur le terrain idéologique. « Il y a toute une équipe de personnes qui ont envie de sintéresser aux doctrines et aux philosophies », explique-t-elle dans Technikart (novembre 2001).
J. Tavernier serait-elle en train de nous dire que lUNADFI, financée presque entièrement par des subventions publiques, nest quun simple instrument au service dune politique de normalisation de la pensée et des croyances ?
Mais si elle choisit aujourdhui de séloigner de lincendie quelle a contribué à allumer, des familles et des individus doivent, eux, continuer à supporter les conséquences de la haine et de lintolérance.