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Monsieur Jacques Chirac
(Extraits de la Lettre ouverte publiée le jeudi 20 avril 2000).
Monsieur le Président,
Nous avons signé cette lettre afin de témoigner de notre profonde préoccupation devant la discrimination religieuse pratiquée par la « Mission Interministérielle de Lutte contre les Sectes » (MILS), rattachée au bureau du Premier Ministre.
Certains dentre nous, dont vous trouverez les noms ci-dessous, ont récemment participé à une commission dexperts lors dune audience publique à Paris, au cours de laquelle nous avons pu entendre les témoignages de ceux qui ont personnellement souffert de la discrimination et des abus de la MILS. Si vous aviez été présent, Monsieur le Président, nous ne doutons pas que vous auriez vous-même été atterré. Devant une assemblée nombreuse et gagnée par lémotion, ceux qui sont persécutés en France pour leurs croyances religieuses ont pu, pour la première fois, raconter leur histoire.
Seules trois chaises sont restées vides. Elles avaient été réservées pour le président de la MILS, Alain Vivien, le sénateur et membre de la MILS Nicolas About et le maire de Paris Jean Tibéri, qui avait appelé à la création de « zones dexclusion » pour les membres de minorités religieuses. Mais ces derniers ont décliné linvitation à venir défendre leurs actions devant une commission des droits de lHomme.
Malheureusement, la MILS ne respecte ni la constitution française, puisque son existence même en viole les principes fondamentaux, ni les textes de référence en matière de droits de lHomme adoptés par le Conseil de lEurope, lUnion Européenne, lOrganisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) et la Cour européenne des droits de lHomme. En fait, la MILS a vu le jour après quune commission parlementaire a décrété que 172 mouvements religieux devraient désormais porter létiquette de « secte ». Cependant, le mois dernier, le tribunal de Paris a estimé que les méthodes de la commission, dont Jacques Guyard est le président, ne constituaient pas « une enquête sérieuse » et faisaient preuve de parti pris. [...]
Il nest donc pas surprenant que lintolérance de la MILS ait suscité une réprobation internationale. La Fédération internationale dHelsinki a dénoncé « diverses formes de persécutions de fait » dans ce pays. Le Département dÉtat américain a critiqué le gouvernement français pour « intolérance et non-objectivité ».
La Fédération internationale dHelsinki a dénoncé « diverses formes de persécutions de fait » dans ce pays.
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Cependant, ignorant délibérément ces critiques, le sénateur Nicolas About, membre de la MILS, déposait le 16 décembre dernier une proposition de loi qui fut adoptée par le Sénat lors dune séance où, ce jour-là, lassistance se trouvait être réduite à quelques membres. Son objet est simple : dissoudre les mouvements religieux dont les croyances et les pratiques déplaisent au gouvernement. Lun des sénateurs partisans de cette proposition de loi a dailleurs ouvertement reconnu quelle permettrait de contourner limportune nécessité daccorder aux religions visées leurs droits en bonne et due forme : « La dissolution, une décision politique, présente également lavantage de ne pas emprunter les voies judiciaires, dans lesquelles les sectes savent si bien manuvrer. »
Le sénateur About est député de lAssemblée parlementaire au Conseil de lEurope. En juin 1999, cette assemblée a adopté des textes sur les droits de lHomme. [...]
« Selon larticle 9 de la Convention Européenne sur les droits de lHomme, il est interdit aux États de faire une distinction entre les différentes croyances et de créer une hiérarchie des croyances ... »
Nous vous sollicitons, Monsieur le Président, dobtenir la dissolution de la MILS, qui est un affront à la République, et de prendre des mesures afin dentamer le dialogue avec les mouvements religieux quelle a marqué du sceau de la destruction. Il est un fait incontournable : quils pratiquent une religion minoritaire ou majoritaire, les citoyens français ont droit, de par la constitution, à la liberté de religion, à la liberté dassociation et à la liberté dexpression. Et il est en votre pouvoir de faire respecter ce droit.
Continu...
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