DÉMOCRATIE ET DOUBLE LANGAGE
LÉtat français montré du doigt par une instance internationale
pour atteinte aux droits de lhomme.
ans son dernier rapport au Haut Commissaire chargé des droits de lhomme aux Nations unies, le gouvernement français sest présentécomme un vigoureux défenseur de la laïcité et des libertés individuelles.
La France, assure-t-il dans ce rapport officiel, est un véritable paradis de la liberté de religion et de la laïcité selon les critères de la Convention Internationale sur les Droits Civiques et Politiques (CIDCP) convention des Nations unies ratifiée par le gouvernement français.
Et il ne sagit pas de simple tolérance. LÉtat français respecte, garantit et encourage la liberté de pensée, proclame le rapport. Rhétorique politique vide de sens ? Cela ressemble plutôt à un double langage.
Moins dun an après la parution du rapport gouvernemental sur les droits de lhomme, la France est en effet montrée du doigt pour menace envers ces mêmes droits, par la Commission consultative du Département
dÉtat américain sur la liberté de religion à létranger composée
de personnalités et dexperts des principales traditions religieuses
du monde.
Le rapport de la Commission pour 1997, adressé au secrétaire dÉtat
et au président des États-Unis, recense les persécutions et les
violences provoquées par la haine contre des communautés religieuses
à travers le monde et met en garde certains pays européens contre
toute discrimination :
Les actions gouvernementales discriminatoires à légard de certaines
communautés religieuses
peuvent très sérieusement menacer les
membres de ces groupes et entraver la pratique de leur foi
Plusieurs
pays dEurope, dont la Belgique, la France, et lAllemagne ont
récemment mis en place des commissions denquête sur les sectes
Mais à moins que ces commissions ne concentrent leurs enquêtes
sur des actions illégales, elles courent le risque de dénier aux
individus leur droit à la liberté de religion ou de conscience.
Un tel risque nest pas acceptable particulièrement après que
le Premier ministre, Lionel Jospin, a promis, lors de son discours
dintroduction, un retour aux valeurs républicaines traditionnelles, « au premier rang desquelles la laïcité [
] ensemble indissociable
de droits et de devoirs. »
Il est facile de comprendre que la commission parlementaire française
sur les sectes se soit attirée les critiques de la Commission
consultative sur la liberté de religion de lONU. Ses méthodes
ont été largement contestées, de même que son rapport final, établissant
sur des critères mal définis une liste de 172 minorités religieuses
étiquetées sectes. Rappelons que sur cette liste figure entre
autres léglise baptiste religion du président des États-Unis
et de plus de 30 millions dAméricains !
Yehudi Menuhin, de passage à Paris pour participer au Forum de
lAcadémie universelle des cultures sur les formes nouvelles de
lintolérance, rappelait que lorsque lon commence à vouloir la
disparition ou la destruction de lautre, quel quil soit, on
entre dans une logique dobsession. « Cest alors lère du soupçon : le voisin est dun seul coup
lobjet de toutes les trahisons. Lintolérance sous-jacente, maladive,
et quil y a en tout homme, peut alors se déchaîner dans une évolution
foudroyante : cest le cancer généralisé ».
De fait, les pratiques discriminatoires et lintolérance à légard
des religions minoritaires se développent de façon non négligeable,
en labsence de condamnation officielle.
Jean-Marie Abgrall
« Je tuerais tous ceux qui
»
Le psychiatre Jean-Marie Abgrall a publiquement déclaré : « Je ne suis pas compétent en matière de religions. » Il a décrit les croyances religieuses comme hallucinatoires et suggéré des traitements sous forme de thérapies lourdes avec injections.
En 1993, alors quil sexprimait pour la télévision américaine [Pearl River Entertainment], il affirma que si un membre de sa famille choisissait une religion minoritaire : « [
] je prendrais le fusil mitrailleur, je prendrais mon parent, je lemmènerais avec moi et je tuerais tous ceux qui minterdiraient de lattraper [
] »
Il est surprenant quaprès ce genre de déclarations, J.-M. Abgrall
ait été lun des quelques rares individus invités à témoigner devant la Commission denquête parlementaire sur les sectes en
1996.
Remettons les choses dans leur contexte : dans le climat dhystérie
régnant autour des sectes, le gouvernement a nommé comme personnalité qualifiée dun organisme officiel, et en toute connaissance de cause, un
homme à lattitude pour le moins radicale face aux croyances religieuses.
Jean-Pierre Morin
« Lennemi intérieur »
À lire la presse, on croirait quil existe un problème de sectes. Il nen est rien. Par contre, il existe bel et bien un problème
dhystérie, créée par les mensonges de quelques individus, hystérie
amplifiée par les médias à la recherche de sensationnel.
Jean-Pierre Morin, capitaine de gendarmerie dans les années 1970,
est lun de ceux qui ont contribué à faire naître ce mouvement
dhystérie en France.
Il est lauteur de deux livres où il se décrivait comme investi
dune mission pour défendre la France contre lennemi intérieur. Lennemi, qui pour lui se trouvait à lEst, était en train dinfiltrer
des hommes ayant subi un lavage de cerveau à la tête des institutions
et des médias, afin de prendre le contrôle de la France.
À un moment donné, lennemi intérieur de Morin devint non plus ceux qui avaient des idées politiquement incorrectes, mais ceux qui avaient des idées religieusement incorrectes.
Il est à lorigine dune proposition visant à modifier le code
pénal pour y introduire la notion juridique de viol psychique. Selon ce projet, un juge aurait le pouvoir dordonner lhospitalisation
dune personne majeure membre dun mouvement religieux, contre
sa volonté. La solution recommandée par Morin est en effet un
traitement psychothérapique basé sur un cocktail de neuroleptiques.
En dépit de ses vingt années de guérillas contre lennemi intérieur, Morin, aujourdhui général de gendarmerie, occupe un poste à
lObservatoire présidé par le Premier Ministre.
Alain Vivien
« Monsieur lex-
»
Lun des plus proches alliés de Jean-Pierre Morin dans la guerre
contre la liberté de religion était un député, Alain Vivien qui,
en 1985, publia à la demande du Premier Ministre dalors un rapport sur les sectes. Ses recommandations montraient une telle dérive
liberticide quelles provoquèrent de nombreuses protestations,
venant tant de personnalités religieuses que de sociologues et
de journalistes.
Si Le Monde du 10 avril 1985 qualifiait la proposition dune législation
dexception de redoutable, lhebdomadaire protestant Réforme (20 avril) trouvait pour sa part plusieurs de ces mesures dangereuses et inquiétantes et rappelait que les libertés ne sont pas divisibles.
Le professeur Pierre Barrucand déclarait : « Je crois que Vivien est passé dune position davocat, qui est
celle que lon attend dun député, à la position dinquisiteur,
et même dinquisiteur féroce et combatif. Cette position me semble
complètement inadmissible. »
LÉglise catholique, par la voix de Jean Vernette, publiait à
son tour une mise en garde contre les mesures proposées.
Alors que lon croyait M. Vivien échaudé par cette vague de critiques
émanant déminentes personnalités, et quil semblait, dans les
années 90, avoir dautres chats à fouetter, il préparait en fait
sa reconversion politique. Au plus profond de sa traversée du
désert, ayant perdu jusquà sa mairie, il enfourcha à nouveau
le cheval de bataille qui lui avait permis en 1985 de sortir de
lanonymat politique auquel il semblait destiné.
Ex-secrétaire dÉtat à la Coopération, ex-député, ex-maire, il
trouva enfin matière à exercer ses talents en tant que président
dassociation. Sous son impulsion, le CCMM emménagea rapidement
dans de splendides locaux situés dans le 15e arrondissement
de Paris.
Où en est M. Vivien aujourdhui ? Il parcourt la France, et même
les DOM-TOM, orateur vedette de salles municipales lors de conférences
anti-sectes et continue, sur les tribunes qui lui sont ainsi offertes, à
sattaquer publiquement à la liberté de croyance et par là même
à la liberté tout court.
Jacques Guyard
« Rapporteur de la commission denquête »
Le parlementaire Jacques Guyard un ami de longue date dAlain
Vivien fut le principal instigateur de la commission denquête
sur les sectes de 1995-1996. Il en était le rapporteur, et est maintenant membre
de lObservatoire gouvernemental sur les sectes. Il na pas hésité à accuser la Cour dappel de Lyon davoir
commis un grave abus de compétence et à demander à Élizabeth Guigou, Garde des Sceaux, dintervenir
auprès des tribunaux, au mépris de tout respect de lindépendance
de la justice.
Jean-Pierre Brard
« Pour une juridiction dexception »
Quant à Jean-Pierre Brard, ancien vice-président de la commission
denquête parlementaire, il sest bâti une solide réputation au sein même
de la commission, par ses prises de position et ses déclarations
radicales, préconisant des lois dexception à lencontre des mouvements
répertoriés dans le rapport.
Il réclame la création dun délit de secte et la formation dun
corps de magistrats et dofficiers de police judiciaire spécialistes
de la lutte anti-sectes !
Le Premier Ministre Lionel Jospin a déclaré dans son discours
dintroduction : « Le respect du droit est fondamental pour la République et la
Démocratie. Sans lui, le lien social se dissout et les institutions
sont discréditées. »
La participation de MM. Guyard, Brard, Abgrall et du Général Morin
à un observatoire sur les minorités religieuses est une invitation ouverte à la
dissolution du lien social. De plus, cela discrédite non seulement
les institutions, mais également la France en tant que nation.