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UN GOUVERNEMENT
SOUS INFLUENCE
n menant des campagnes contre les nouvelles religions quils affublent
du qualificatif malodorant de « sectes », certains politiciens en mal de popularité et autres affidés aux motivations douteuses cherchent à bon compte à se construire une image politiquement correcte, et à détourner lattention de leur inaction face aux vrais problèmes, et de leurs petites faiblesses.
Après divers rapports dont celui dun certain Alain Vivien en
1983, une commission parlementaire et un Observatoire interministériel,
le gouvernement affiche aujourdhui clairement ses intentions.
Ce que la presse avait annoncé comme le déclenchement dune force
de frappe a pris la forme dune mission interministérielle de lutte contre les sectes, annoncée au Conseil des Ministres du 7 octobre.
La chasse est ouverte, titre Le Figaro du 8/10.
Les sociétés en crise ont toujours vu certains de leurs responsables
détourner lattention générale en choisissant des boucs émissaires
que leur différence désignait comme proies faciles. Du sentiment de différence à
lintolérance, on peut facilement manipuler lopinion pour que
celle-ci franchisse le pas. Et quimportent les réputations salies,
les individus broyés, la peur ou la haine engendrée... lentreprise
de destruction est en route.
LObservatoire Interministériel sur les sectes vient, sous linfluence
de ses membres les plus extrêmes, de présenter en toute bonne
conscience des propositions liberticides. Leurs pressions ont
maintenant abouti à la création dune nouvelle structure. Quels
intérêts se cachent derrière cette vaste entreprise de désinformation ?
Une mission délicate
La création de lObservatoire à la fin de 1996, sous légide de
lancien Premier Ministre, Alain Juppé, faisait suite à la Commission
parlementaire Guyard/Gest (voir article Quand la rumeur...). Sa mission : former et informer.
À première vue, rien à dire. Une mission délicate qui demande
du doigté, pour un fidèle serviteur de létat, un rien vieille France, le préfet Antoine Guerrier de Dumast. Un rien mal entouré aussi ;
en effet, les premiers nommés pour lObservatoire venaient tous
du cartel anti-sectes extrémise : Jean-Marie Abgrall, Jean-Pierre
Brard, Alain Gest, Jacques Guyard. Tous sétaient déjà distingués
par leurs positions extrêmes et nétaient définitivement pas là
pour observer. Ils voulaient combattre, pourfendre, lancer des imprécations,
ils voulaient une juridiction dexception. Ils avaient déjà jugé
et condamné, en gros, 1 million de citoyens français, hommes,
femmes et enfants, des citoyens ordinaires, ayant le droit de
vote comme tout le monde, et cela sur leurs seules croyances.
Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit. Pas pour ces nouveaux inquisiteurs.
Leurs déclarations donnent à réfléchir. Le psychiatre Jean-Marie
Abgrall avoue : « Je ne suis pas compétent en matière de religion. »
Jean-Pierre Brard, député-maire de Montreuil, présente un visage
dintolérance extrême en préconisant des lois dexception (voir aussi article Brard l'intolérant). Citons enfin le général de gendarmerie Morin, homme de lombre,
maître à penser de cette mouvance, pour qui tout ce qui nest
pas dans la norme est un mythique « ennemi intérieur ».
Alain Vivien : le retour
Alain Vivien, lui, fait un come back, 13 ans après la publication de son rapport. Publié en 1985, celui-ci avait soulevé de vives critiques.
Le Monde du 10/4/85 qualifiait certaines propositions de redoutables. J. Séguy, Maître de recherche au CNRS, les jugeait pour sa part
dangereuses et inquiétantes (Réforme, 20/4/85). Lors des cérémonies de commémoration de la Révocation
de lEdit de Nantes de 1985, le pasteur Jacques Maury, Président
de la Fédération Protestante de France, sexprimait ainsi : « Dailleurs où passe la limite entre sectes et églises ? La commémoration
daujourdhui nous rappelle assez que nos Églises protestantes
aussi ont été pendant des siècles traitées, et de quelle manière,
comme des sectes. Voilà pourquoi dans ce récent débat nous avons
rappelé à deux reprises que « la liberté religieuse est indivisible ».
Il ajoutait : « Ce pays semble être entré dans une peur irrationnelle, destructrice
et paralysante de toutes les différences. »
Pour donner un exemple significatif, rappelons que le rapport
Vivien proposait entre autres dinstituer un juge de la famille, dont le pouvoir se serait étendu jusquà la mise sous tutelle
dun adulte membre dun groupe religieux minoritaire et au fait
de lobliger à quitter ce groupe ! Tout cela fondé sur la seule
conviction du juge.
Ancien secrétaire dÉtat, ancien député, ancien maire, il enfourche
à nouveau le cheval de bataille qui lui avait permis de sortir
de lanonymat, en prenant la tête du CCMM, ex centre Roger Ikor,
lequel donnait le ton au groupe lorsquil déclarait : « Il faut fermer les églises ». Il aime à citer la Déclaration universelle des droits de lhomme
et les articles de la Constitution qui protègent la liberté de
conscience, tout en proposant par exemple délaborer une forme
de labellisation des entreprises dont les dirigeants appartiendraient à une religion
minoritaire (Libération, 27/9/98) !
Alain Vivien dispose visiblement de forts appuis dans sa tentative pour prendre dassaut la nouvelle Mission interministérielle. Retrouver un poste officiel après une telle traversée du désert, qui nen rêverait ? Surtout à la tête dune Mission présentée comme une véritable machine de guerre. Mais contre qui ? Sous couvert de sattaquer aux religions minoritaires, nest-ce pas dune offensive contre le religieux quil sagit ?
Un rapport sans nuances
Le rapport annuel de lObservatoire terminé, sous les pressions, par une annexe en juillet dernier, est un recueil de propositions et dactions présentées de façon anodine, qui en fait ouvrent grand la porte à tous les dérapages.
Il semble que ladministration française, contrairement à ce que
nos activistes tentent de nous faire croire, ait parfaitement
bien intégré le principe de la lutte anti-sectes. En effet, il nest pas un ministère ou une administration qui
ny soit allé, en 1997 et 1998, de sa formation de fonctionnaire
sur le sujet, de sa surveillance des mouvements dits suspects, de sa campagne publicitaire anti.
Au mépris du Parlement, qui dans sa majorité sy était opposé
lors de la discussion du rapport de 1996, lObservatoire a arbitrairement
inventé une définition officielle du mot secte et demande pêle-mêle une juridiction dexception, un travail
de recensement/fichage des membres, un organisme de surveillance,
une réforme des associations loi 1901, des contrôles spécifiques
financiers, psychologiques, scolaires, tout cela au mépris des
libertés constitutionnelles françaises.
Il faut punir le crime de penser autrement et créer une catégorie de citoyens à laquelle les règles du droit
commun ne sappliqueront pas.
Vers la fin de lÉtat de droit ?
Il reste un obstacle cependant, et de taille, sur le chemin de
ceux qui veulent ainsi mettre fin à lÉtat de Droit : les magistrats.
Le rapport propose donc de mettre les juges sous contrôle, en
créant une branche de la magistrature dont lobjectif ne serait
plus de juger des infractions en droit, mais de servir de bras
dexécution au pouvoir.
Daprès notre enquête, la France est le seul pays au monde où
des groupes « anti-sectes », tels lADFI et le CCMM refusent tout dialogue, tout débat contradictoire
avec les nouveaux mouvements religieux. |
Une juridiction spécialisée devrait donc distinguer les bonnes religions des mauvaises, ce qui supposerait une appréciation des croyances et des pratiques. Ce sont donc des théologiens quil
nous faudrait, et non des juges ! Et encore ne pourraient-ils juger que sur des critères judéo-chrétiens, ce qui condamnerait bien des mouvements pourtant authentiquement spirituels.
En effet, tout cela ressemble fort au temps où « la rumeur tenait lieu de preuve », selon lexpression de Louis Pauwels. La chasse aux sorcières serait cautionnée officiellement, tout mouvement, religieux ou non, étant susceptible de figurer au rang des suspects.
Na-t-on pas vu récemment un tribunal qualifier les méthodes de management des magasins Intermarchés de sectaires, au motif que ce groupe commercial serait motivé, au-delà de la recherche du profit, également par le mieux-être de ses employés ?
Les Renseignements Généraux ne sont-ils pas actuellement sur le pied de guerre en vue détablir une liste des opposants à la vaccination, depuis quune rumeur savamment entretenue par les laboratoires en perte de profits, fait courir le bruit que le rejet de la vaccination est dorigine sectaire ?
La seconde barrière est dordre juridique. Comme lont souligné certains parlementaires, seules les dérives de certains individus peuvent être condamnées par un État de Droit, respectueux de la liberté de croyance et dexpression. Cest ainsi que sont condamnés les agissements pédophiles de prêtres catholiques, alors que lon nimplique pas lÉglise Catholique, ou que lon met en examen un ou plusieurs députés, sans que leur parti politique soit mis au pilori, ou que danciens ministres sont condamnés, sans que les gouvernements voient leur réputation entachée.
Des propositions liberticides
Bien dautres propositions de lObservatoire, déjà esquissées en son temps par le rapport Vivien, foulent au pied nos libertés fondamentales.
La première vise à renforcer le contrôle de lÉducation Nationale sur les enfants scolarisés chez eux ou dans des écoles privées hors-contrat, en introduisant une procédure dévaluation.
Évaluation non seulement des connaissances, mais surtout de lépanouissement personnel de lenfant et de son degré de sociabilité ! On ne peut que sinterroger sur les critères objectifs qui pourront être retenus.
Sous couvert de renforcer lobligation de scolarité, lÉtat tente une nouvelle fois de sattaquer à lécole libre et de faire disparaître lespace de liberté prévu par les législateurs de 1882.
On comprend dès lors que le Ministère de lÉducation ait apporté
son soutien sans réserve à ce projet qui a déjà été adopté par
le Sénat en juin dernier !
Une autre mesure permettrait linterdiction de la formation dassociations loi 1901 en raison de leurs agissements présumés. En totale violation du principe de la liberté dassociation qui a valeur constitutionnelle, lÉtat veut ainsi interdire a priori la création de certains groupes dans larbitraire le plus total.
Enfin, lObservatoire nhésite pas à sattaquer à la loi sur la presse, qui protège pourtant la liberté dexpression en limitant à trois mois le délai pendant lequel toute personne qui sestime injustement mise en cause dans un article peut déposer plainte pour diffamation. Or lObservatoire demande, comme une mesure dexception, lallongement de ce délai, pour les publications des nouvelles religions.
Lennui avec les mesures dexception, cest quon ne sait pas très bien où elles sarrêtent. Aujourdhui, les mal pensants sont les nouveaux mouvements religieux. Et demain ? Quels mouvements jugés politiquement incorrects viendront-ils sajouter à la liste ?
Le défi : oser le dialogue
Daprès notre enquête, la France est le seul pays au monde où des groupes anti-sectes, tels lADFI et le CCMM, refusent tout dialogue, tout débat contradictoire
avec les nouveaux mouvements religieux. Alain Vivien, président du CCMM, le dit clairement : « Nous navons pas à prendre en compte [leur] contenu ». (Libération, 27/9/98).
Pas de dialogue non plus entre instances officielles et religions établies. Mgr Jean Vernette, délégué de lépiscopat sur les sectes et les nouvelles religions, réagit à lannonce de la création de la mission interministérielle en sétonnant « que sur un problème de société aussi important [
], les représentants des grandes familles de pensée et des grandes religions naient jamais été consultés » avant de recommander une approche plurielle (La Croix, 8/10/98).
La France se démarque sur ce sujet de la politique de ses partenaires européens.
En Suisse, un pasteur de lÉglise Réformée, un prêtre catholique et une femme engagée dans laide aux anciens membres de mouvements religieux dialoguent depuis plusieurs mois avec des scientologues, des moonistes, des raéliens et dautres groupements religieux minoritaires. Les rencontres du CLIMS (Centre de Liaison et dInformation des Mouvements Spirituels) se sont concrétisées par une charte éthique qui pourrait être ratifiée par une douzaine de nouveaux mouvements religieux.
Au congrès récemment organisé à Turin par le Centre détudes des nouvelles religions (CESNUR) sur le thème Minorités religieuses et spirituelles à laube du 21e siècle, un député décrivait lors de son intervention le climat douverture qui sinstalle en Italie. Le gouvernement se penche actuellement sur lintégration de ces mouvements en développement. Il nest pas exclu, selon ce député, quaprès étude sérieuse, un ou deux de ces mouvements soit intégré chaque année dans le champ religieux.
Une Commission parlementaire suédoise vient de recommander la création dun Centre détudes sur les questions de croyances. Ce centre dinformation aura pour objet « de construire un pont entre les nouveaux mouvements religieux et la société, entre les minorités et la majorité ». Les buts de la fondation seront « de créer un dialogue, de réduire la polarisation, de favoriser la connaissance et déviter les crises, aussi bien pour lindividu que pour la société ».
Même en Allemagne, une ouverture sesquisse. Des hommes dÉglise de différentes confessions reconnues se sont regroupés dans uns structure invitant à la réflexion et aux échanges.
Ainsi donc, dans toute lEurope, lheure est au dialogue. Où sont les propositions concrètes de lÉtat français dans ce sens ? Où sont la démocratie et ses valeurs que la France, dans sa tradition dhumanisme et de droits de lhomme, se doit de défendre ?
Nest-il pas temps de sortir du climat de panique morale, décrit dans Le Monde du 17 septembre dernier, et soigneusement entretenu par le lobby anti-religieux ?
Il y a là une voie à explorer, des ponts à jeter, des lieux de rencontres à inventer.
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