Nous avons lu pour vous...

e 10 janvier 1996 la commission d’enquête de l’Assemblée nationale française publiait son rapport Les Sectes en France. Les universitaires spécialisés dans le domaines des nouveaux mouvements religieux (nom qu’ils préfèrent à celui de « sectes ») ont reconnu au rapport le mérite d’avoir constaté l’inopportunité de créer un régime juridique spécifique à ces mouvements. Mais plusieurs universitaires, en France et à l’étranger, ont critiqué le choix des sources et l’analyse du rapport, et ont jugé le document de la commission trop entaché d’erreurs de fait, de jugements sommaires et de lieux communs tirés d’une littérature non scientifique. La « liste noire » de 172 « sectes », qui seraient toutes coupables d’agissements contraires à l’éthique, crée un certain malaise.

Le CESNUR (Centre d’études sur les nouvelles religions) est un réseau international d’associations de spécialistes des nouveaux mouvements religieux dirigé par l’historien et sociologue italien Massimo Introvigne. Il a été fondé en 1988 et il est indépendant de tout mouvement, groupe ou association religieuse.

LE CESNUR a demandé ici à des experts du monde entier de s’exprimer sur le rapport français et sur les « sectes » en France. Parmi eux, des historiens de renommée internationale comme Antoine Faivre, J. Gordon Melton, Émile Poulat ; des professeurs de sociologie dont plusieurs sont ou ont été les présidents des plus grandes associations internationales de sociologie des religions comme Eileen Barken, Jean Baubérot, David Bromley, Karel Dobbelaere, Liliane Voyé, Bryan R. Wilson ; des juristes ; des théologiens. Comme dans tout débat scientifiques, des points de vue très divers sont présentés dans cet ouvrage, dont le but n’est pas de conclure mais d’ouvrir une discussion. Un volume assez épais pour un débat sérieux, prêt à reconnaître les dangers bien réels d’une minorité de mouvements religieux, mais se refusant aux généralisations et aux amalgames. Pour en finir, en matière de « sectes », avec les idées reçues.

Anne Morelli est professeur d’histoire des Églises chrétiennes contemporaines et de Textes chrétiens contemporains à l’Institut d’histoire des religions de l’Université Libre de Bruxelles, Elle a participé en tant qu’expert à la Commission d’enquête parlementaire sur les sectes, Pendant douze années, avec ses étudiants de sociologie des religions, elle a mené à Bruxelles des enquêtes auprès de dizaines de petits groupes religieux appelés communément « sectes ». Cette approche de première main lui a donné un regard alternatif et pondéré contrastant celui des médias sur ces communautés qu’elle ne peut s’empêcher de comparer avec les congrégations catholiques qu’elle a bien connues dans son enfance. Elle plaide, non sans ironie, pour une tolérance religieuse élargit, également à tous les « fous de Dieu », qu’ils fassent partie d’une grande multinationale de la religion ou qu’ils soient de petits entrepreneurs indépendants... Parmi ces derniers, il y a peut-être les religions triomphantes de demain, et il serait illusoire de vouloir bloquer définitivement l’évolution du Paysage religieux pour le prochain millénaire.

Une guerre machiavélique se joue depuis des années, une guerre que la religion perd pied à pied.

La religion a été séduite et subjuguée, littéralement sous notre nez, par un mal tellement subtil qu’il est resté quasi invisible.